samedi 13 juillet 2013

Territoire, représentation spatiale et nationalisme québécois

Un seul et même territoire peut-il faire l’objet de plusieurs représentations spatiales? Prenons l'exemple du Québec...

Avant même de débuter la réponse, il importe de définir les trois concepts que sont le territoire, la représentation spatiale et l’espace vécu.

Concernant le concept de territoire, il est important de spécifier qu’il existe de nombreuses définitions différentes de ce concept en sciences sociales, tout dépendant de la discipline qui l’étudie. Le territoire est donc un terme polysémique, multidisciplinaire et récent (1), qui a gagné une certaine notoriété dans le domaine des sciences sociales, particulièrement en géographie humaine et en géographie politique, et il remplace régulièrement les concepts d’espace et de région. La multitude de définitions de ce concept peut rendre complexe la réelle compréhension entre les chercheurs qui proviennent de différents milieux académiques et il faut en être conscient. Pour définir le territoire selon l’angle de la géographie humaine, nous utiliserons principalement les deux définitions historiques, telles qu’étudiées en cours (1).

La première définition concerne le territoire administratif, qui se veut en réalité être une création « logique de l’État » (1) pour définir un découpage d’un territoire selon certains critères qui peuvent être d’ordre administratif, juridique, économique, politique et/ou institutionnelle (1). Par exemple, les frontières entre les pays qui se côtoient délimitent deux territoires nationaux distincts. Cette frontière peut être physique, dans le sens où il y a une douane, une barrière ou un obstacle naturel qui séparent physiquement les deux pays, mais peut être aussi une frontière virtuelle dans le sens ou le Québec est séparé en 17 régions administratives et que les délimitations de ses territoires ne sont qu’administratives. Cette approche au niveau décisionnel veut que les décisions viennent d’en haut, dans le sens des représentants de l’État, et qu’elles soient imposées vers le bas, ce qui veut dire la population.

La deuxième définition serait celle du territoire construit. Cette approche se fait par le bas, ce qui signifie principalement qu’elle est portée par les acteurs qui sont directement concernés par ce territoire, se veut en fait des « représentations et significations des acteurs en place » de leur territoire, qui peut les lier par différents « processus identitaires, culturels et historiques » (1). Par exemple, plusieurs québécois croient que la province de Québec devrait devenir un pays indépendant du Canada car ils affirment qu'ils ont une identité, une histoire et une culture différente du reste des citoyens du Canada. De fait, de nombreux citoyens québécois, ainsi que quelques partis politiques, tentent de convaincre une majorité de québécois à leur cause et cela aurait comme implication la création d’un nouveau territoire indépendant, le Québec, si une majorité de la population approuverait ce choix dans un référendum démocratique.

Ses deux approches peuvent se compléter, par exemple lorsqu’un territoire administratif devient un territoire construit. Prenons l’exemple des régions administratives au Québec qui ont été imposées du haut vers le bas. Au fil des années, une identité régionale a pu être crée et cela à résulter à la création des conseils régionaux ou des MRC, qui sont en réalité une extension du travail collectif des acteurs en place qui peuvent partager une même vision sur divers aspects.

Nous dirons donc que la définition de territoire en géographie humaine pourrait se résumer à un « terme lié aux acteurs qui, par leurs actions spatiales, transforment le territoire, mais sont aussi influencés par ce territoire » (1).

Concernant le concept de représentation spatiale, comme pour le concept de territoire, il faut réaffirmer le fait que la compréhension en géographie peut être interprétée différemment par des perceptions et des représentations spatiales, surtout au niveau individuel. Pour définir ce concept, nous dirons que les représentations spatiales sont façonnées par les appartenances et représentations sociales de certains groupes, mais elles résultent aussi de la représentation personnelle que fait chaque individu d’un territoire donné situé dans un espace (David, p.191). Chaque individu perçoit différemment un territoire selon des valeurs, des croyances, une culture et/ou une vision historique et par conséquence, il peut s’en faire une représentation spatiale personnelle. Il peut se faire aussi une représentation spatiale collective si sa vision d’un territoire rejoint celle de nombreux autres individus.

Le dernier concept à définir est celui d’espace vécu. Il se réfère au « rapport existentiel que l’individu socialisé établit avec la terre. Il s’imprègne de valeurs culturelles reflétant, pour chacun, l’appartenance à un groupe localisé » (3). Cela signifie que l’individu peut donner une histoire et une signification à un espace selon ce qu’il a acquis par ses valeurs, ses influences sociales et sa culture au cours de son existence.

Il y a quatre principaux facteurs qui peuvent influencer l’espace vécu. Il s’agit de l’âge, du sexe, de l’appartenance à une classe sociale et de la culture (4). Pour ce qui est de l’âge, il est reconnu que les enfants, les adultes et les personnes âgées ne perçoivent pas l’espace dans lequel ils vivent de la même manière. Il est aussi évident que des classes sociales opposées ne perçoivent pas certain espace de la même façon. Aussi, la culture peut être très distinctive au sein d’un même espace. Nous n’avons qu’à penser aux différentes religions et aux différentes communautés linguistiques qui vivent pourtant dans le même espace, mais de façon souvent très différente.

Après avoir défini les concepts de territoire, de représentation spatiale et d’espace vécu, nous pouvons maintenant répondre au questionnement de départ qui était d’expliquer comment un seul et même territoire peut faire l’objet de plusieurs représentations spatiales. En affirmant qu’un territoire est un « terme lié aux acteurs qui, par leurs actions spatiales, transforment le territoire, mais sont aussi influencés par ce territoire » (1) , que les représentations spatiales sont façonnées par les appartenances et représentations sociales de certains groupes, mais elles résultent aussi de la représentation personnelle que se fait chaque individu d’un territoire donné situé dans un espace (David, p.191) et que l’espace vécu influence la perception et la définition de ses deux concepts, nous pouvons affirmer que oui il est possible qu’un même territoire peut faire l’objet de plusieurs représentations spatiales.

Cela s’explique en lien avec la géographie culturelle et sociale. Pour expliquer ce propos, nous prendrons en exemple le mouvement souverainiste au Québec ainsi que le mouvement fédéraliste au Québec. Les deux mouvements politiques coexistent pourtant sur un seul et même territoire défini, mais ils ont des représentations spatiales complètement différentes de l’espace qu’ils occupent.

Le mouvement souverainiste en est un politique et il existe au Québec. Son objectif est de réaliser la souveraineté de l’État Québécois, autant au niveau territorial, économique et culturelle, qui est présentement une province du Canada depuis 1867. Les individus qui se réclament souverainistes forment ce mouvement. Ils ont en commun un nationaliste québécois, qui se base selon eux sur plusieurs aspects culturels, distinctifs du reste du Canada, comme une langue commune qui est le français, une culture bien définie et une histoire française et autochtone, qui font en sorte qu’un sentiment d’appartenance se créé et peut se canaliser en idéologie politique. Le mouvement souverainiste se situe à plusieurs niveaux et peut se présenter comme des mouvements citoyens, des groupes de jeunes, des groupes de pressions et aussi en partis politiques au niveau provincial et fédéral.

Le mouvement fédéraliste en est aussi un qui est politique et qui existe au Québec. Ce mouvement existe en réaction au mouvement souverainiste. Les individus qui forment ce mouvement souhaitent que le Québec demeure une province au sein de la fédération canadienne. Selon eux, le Québec est un territoire qui est avantagé au niveau économique, social et culturel en demeurant une province au sein du Canada plutôt que de devenir un pays souverain.


Historiquement, deux référendums sur la question de la souveraineté ont eu lieu au Québec, soit en 1980 et 1995. En 1980, les québécois ont voté à 59,56% contre le projet de souveraineté et en 1995, une très mince majorité de québécois votèrent à 50,58% contre le projet de pays, et ainsi demeurer une province dans le Canada. 

Nous pouvons donc constater qu’il peut y avoir plusieurs représentations spatiales sur un seul et même territoire. En prenant l’exemple du Québec, nous avons bien démontré les deux visions opposés des individus et des mouvements politiques, qui pourtant coexistent et vivent sur un même territoire, tout en partageant un projet de société différent. 

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