Un seul et même territoire peut-il faire l’objet
de plusieurs représentations spatiales? Prenons l'exemple du Québec...
Avant
même de débuter la réponse, il importe de définir les trois
concepts que sont le territoire, la représentation spatiale et
l’espace vécu.
Concernant
le concept de territoire, il est important de spécifier qu’il
existe de nombreuses définitions différentes de ce concept en
sciences sociales, tout dépendant de la discipline qui l’étudie.
Le territoire est donc un terme polysémique, multidisciplinaire et
récent (1), qui a gagné une certaine notoriété dans le domaine
des sciences sociales, particulièrement en géographie humaine et en
géographie politique, et il remplace régulièrement les concepts
d’espace et de région. La multitude de définitions de ce concept
peut rendre complexe la réelle compréhension entre les chercheurs
qui proviennent de différents milieux académiques et il faut en
être conscient. Pour définir le territoire selon l’angle de la
géographie humaine, nous utiliserons principalement les deux
définitions historiques, telles qu’étudiées en cours (1).
La
première définition concerne le territoire administratif, qui se
veut en réalité être une création « logique de l’État »
(1) pour définir un découpage d’un territoire selon certains
critères qui peuvent être d’ordre administratif, juridique,
économique, politique et/ou institutionnelle (1). Par exemple, les
frontières entre les pays qui se côtoient délimitent deux
territoires nationaux distincts. Cette frontière peut être
physique, dans le sens où il y a une douane, une barrière ou un
obstacle naturel qui séparent physiquement les deux pays, mais peut
être aussi une frontière virtuelle dans le sens ou le Québec est
séparé en 17 régions administratives et que les délimitations de
ses territoires ne sont qu’administratives. Cette approche au
niveau décisionnel veut que les décisions viennent d’en haut,
dans le sens des représentants de l’État, et qu’elles soient
imposées vers le bas, ce qui veut dire la population.
La
deuxième définition serait celle du territoire construit. Cette
approche se fait par le bas, ce qui signifie principalement qu’elle
est portée par les acteurs qui sont directement concernés par ce
territoire, se veut en fait des « représentations et
significations des acteurs en place » de leur territoire, qui
peut les lier par différents « processus identitaires,
culturels et historiques » (1). Par exemple, plusieurs
québécois croient que la province de Québec devrait devenir un
pays indépendant du Canada car ils affirment qu'ils ont une
identité, une histoire et une culture différente du reste des
citoyens du Canada. De fait, de nombreux citoyens québécois, ainsi
que quelques partis politiques, tentent de convaincre une majorité
de québécois à leur cause et cela aurait comme implication la
création d’un nouveau territoire indépendant, le Québec, si une
majorité de la population approuverait ce choix dans un référendum
démocratique.
Ses
deux approches peuvent se compléter, par exemple lorsqu’un
territoire administratif devient un territoire construit. Prenons
l’exemple des régions administratives au Québec qui ont été
imposées du haut vers le bas. Au fil des années, une identité
régionale a pu être crée et cela à résulter à la création des
conseils régionaux ou des MRC, qui sont en réalité une extension
du travail collectif des acteurs en place qui peuvent partager une
même vision sur divers aspects.
Nous
dirons donc que la définition de territoire en géographie humaine
pourrait se résumer à un « terme lié aux acteurs qui, par
leurs actions spatiales, transforment le territoire, mais sont aussi
influencés par ce territoire » (1).
Concernant
le concept de représentation spatiale, comme pour le concept de
territoire, il faut réaffirmer le fait que la compréhension en
géographie peut être interprétée différemment par des
perceptions et des représentations spatiales, surtout au niveau
individuel. Pour définir ce concept, nous dirons que les
représentations spatiales sont façonnées par les appartenances et
représentations sociales de certains groupes, mais elles résultent
aussi de la représentation personnelle que fait chaque individu d’un
territoire donné situé dans un espace (David, p.191). Chaque
individu perçoit différemment un territoire selon des valeurs, des
croyances, une culture et/ou une vision historique et par
conséquence, il peut s’en faire une représentation spatiale
personnelle. Il peut se faire aussi une représentation spatiale
collective si sa vision d’un territoire rejoint celle de nombreux
autres individus.
Le
dernier concept à définir est celui d’espace vécu. Il se réfère
au « rapport existentiel que l’individu socialisé établit
avec la terre. Il s’imprègne de valeurs culturelles reflétant,
pour chacun, l’appartenance à un groupe localisé » (3).
Cela signifie que l’individu peut donner une histoire et une
signification à un espace selon ce qu’il a acquis par ses valeurs,
ses influences sociales et sa culture au cours de son existence.
Il
y a quatre principaux facteurs qui peuvent influencer l’espace
vécu. Il s’agit de l’âge, du sexe, de l’appartenance à une
classe sociale et de la culture (4). Pour ce qui est de l’âge, il
est reconnu que les enfants, les adultes et les personnes âgées ne
perçoivent pas l’espace dans lequel ils vivent de la même
manière. Il est aussi évident que des classes sociales opposées ne
perçoivent pas certain espace de la même façon. Aussi, la culture
peut être très distinctive au sein d’un même espace. Nous
n’avons qu’à penser aux différentes religions et aux
différentes communautés linguistiques qui vivent pourtant dans le
même espace, mais de façon souvent très différente.
Après
avoir défini les concepts de territoire, de représentation spatiale
et d’espace vécu, nous pouvons maintenant répondre au
questionnement de départ qui était d’expliquer comment un seul et
même territoire peut faire l’objet de plusieurs représentations
spatiales. En affirmant qu’un territoire est un « terme lié
aux acteurs qui, par leurs actions spatiales, transforment le
territoire, mais sont aussi influencés par ce territoire » (1)
, que les représentations spatiales sont façonnées par les
appartenances et représentations sociales de certains groupes, mais
elles résultent aussi de la représentation personnelle que se fait
chaque individu d’un territoire donné situé dans un espace
(David, p.191) et que l’espace vécu influence la perception et la
définition de ses deux concepts, nous pouvons affirmer que oui il
est possible qu’un même territoire peut faire l’objet de
plusieurs représentations spatiales.
Cela
s’explique en lien avec la géographie culturelle et sociale. Pour
expliquer ce propos, nous prendrons en exemple le mouvement
souverainiste au Québec ainsi que le mouvement fédéraliste au
Québec. Les deux mouvements politiques coexistent pourtant sur un
seul et même territoire défini, mais ils ont des représentations
spatiales complètement différentes de l’espace qu’ils occupent.
Le
mouvement souverainiste en est un politique et il existe au Québec.
Son objectif est de réaliser la souveraineté de l’État
Québécois, autant au niveau territorial, économique et culturelle,
qui est présentement une province du Canada depuis 1867. Les
individus qui se réclament souverainistes forment ce mouvement. Ils
ont en commun un nationaliste québécois, qui se base selon eux sur
plusieurs aspects culturels, distinctifs du reste du Canada, comme
une langue commune qui est le français, une culture bien définie et
une histoire française et autochtone, qui font en sorte qu’un
sentiment d’appartenance se créé et peut se canaliser en
idéologie politique. Le mouvement souverainiste se situe à
plusieurs niveaux et peut se présenter comme des mouvements
citoyens, des groupes de jeunes, des groupes de pressions et aussi en
partis politiques au niveau provincial et fédéral.
Le
mouvement fédéraliste en est aussi un qui est politique et qui
existe au Québec. Ce mouvement existe en réaction au mouvement
souverainiste. Les individus qui forment ce mouvement souhaitent que
le Québec demeure une province au sein de la fédération
canadienne. Selon eux, le Québec est un territoire qui est avantagé
au niveau économique, social et culturel en demeurant une province
au sein du Canada plutôt que de devenir un pays souverain.
Historiquement,
deux référendums sur la question de la souveraineté ont eu lieu au
Québec, soit en 1980 et 1995. En 1980, les québécois ont voté à
59,56% contre le projet de souveraineté et en 1995, une très mince
majorité de québécois votèrent à 50,58% contre le projet de
pays, et ainsi demeurer une province dans le Canada.
Nous pouvons
donc constater qu’il peut y avoir plusieurs représentations
spatiales sur un seul et même territoire. En prenant l’exemple du
Québec, nous avons bien démontré les deux visions opposés des
individus et des mouvements politiques, qui pourtant coexistent et
vivent sur un même territoire, tout en partageant un projet de
société différent.
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