Le peuple québécois a surmonté de nombreuses épreuves tout au long de
sa riche histoire et cela a certainement contribué a façonné son
identité et a forgé des liens d’appartenance entre eux. Certains moments
ont été cruciaux dans leur lutte d’affirmation pour leur pleine
reconnaissance de leur droit dans un pays à majorité anglophone et la
période commençant dans les années 1960 démontre clairement une
affirmation du peuple québécois, via un gouvernement réformateur qui
représente bien son émancipation, à vouloir se sortir d`une grande
noirceur et de faire son entré dans la modernité que vivait les autres
peuples occidentaux. La Révolution tranquille des années 1960 est une
période de grands changements sociaux et il est important de se demander
si cette expression, "La Révolution tranquille", est juste ou exagérée.
Pour ce faire, ce travail définira tout d’abord le concept de la
Révolution tranquille et fera ensuite une analyse des faits historiques
en abordant les thèmes économiques, politiques et sociaux pour tenter de
répondre adéquatement à ce questionnement.
La Révolution tranquille
La Révolution tranquille désigne une période de l’histoire récente du
Québec qui regroupe pour la majeure partie les années 1960. Cette
période est caractérisée par une réorientation de l’État québécois, sous
le gouvernement libéral de Jean Lesage, et adopte les principes de
l’État-providence, la mise en place d’une séparation de l’Église
catholique et contribuât fortement à la construction d’une nouvelle
identité nationale québécoise, qui s`éloigne du nationalisme
traditionnel canadiens-français. Tout cela est réalisé dans l’objectif
de débuter un processus de modernisation et faire entrer le Québec dans
la modernité que vivent la majorité des pays occidentaux depuis la fin
de la Seconde Guerre.
Le régime de Duplessis
Pour expliquer de façon concrète les changements apportés lors de la
Révolution tranquille, il faut absolument mettre en contexte la période
d’avant 1960 pour démontrer l’ampleur des nouvelles politiques
gouvernementales sur la société québécoise de cette époque.
Maurice Duplessis a été Premier ministre du Québec de 1936 à 1939 et
de 1944 à 1959 et seule la mort l’a probablement empêché de continuer à
diriger la province. Son idéologie conservatrice et religieuse a marqué
la durée de son mandat, qui d’ailleurs est le plus long règne de
l’histoire politique du Québec. Il a profité durant de longues années de
la carte électorale qui favorisait les régions au détriment de villes,
ce qui aida Duplessis a remporté de nombreuses élections et aussi du
fait que le Parti Libéral du Québec était complètement désorganisé et
dépourvu de leader. Politiquement, il est connu dans l’histoire pour sa
lutte anticommuniste avec l’aide de l`Église catholique, la loi du
cadenas qui interdisait tout réunion syndicale et rendait les grèves
illégales, son nationalisme et sa position autonomiste contre le
gouvernement fédéral, sa politique non-interventionniste dans
l’économie et ses budgets équilibrés et aussi pour l’adoption de la
fleur de lysée comme drapeau du Québec.
Ce qui caractérise le plus son règne est le retard d’évolution des
conditions sociales du peuple québécois durant ses mandats. Cette
période a été appelé "la Grande Noirceur" par ses adversaires politiques
de l’époque et cette appellation est aujourd’hui utilisé dans les
livres d`histoires sur le Québec pour désigner le passage de Maurice
Duplessis en politique. Ce nom découle du fait que les canadiens
francophones représentaient la majorité, mais ils étaient la classe la
plus pauvre du Québec et ils étaient soumis à une petite classe
dirigeante d’anglophone qui détenait toutes les ressources économiques
pour s`épanouir au détriment des francophones.
Ses longues années de pouvoir ont créé plusieurs mouvements de
contestation envers le régime Duplessis et cela a évidemment éveillé les
consciences de plusieurs individus. C’est le cas en autre de Cité
libre, une revue fondée dans les années 1950 par Pierre-Elliot Trudeau
et Gérald Pelletier, qui se veut une des voix du nouveau libéralisme. En
effet, cette revue affirme que "les individus doivent posséder non
seulement le droit au plein épanouissement de leurs facultés et à
l’exercice de leur liberté, mais aussi les moyens d’y parvenir. Or
l’exploitation dont elle est victime empêche la majorité de la
population, en l’occurrence les travailleurs, de pouvoir se comporter en
citoyens libres. Seulement la syndicalisation et la reconnaissance du
droit de négocier peuvent corriger cette situation"
(Linteau-Durocher-Robert-Ricard, 1989, p.353).
Les années 1960
Il faut dire que le Québec, économiquement parlant, vivait une
période prospère depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale et cela
cadrait bien dans le contexte mondial et au Québec, la population a
augmenté de façon considérable notamment dû au baby-boom. Lors des
élections des années 1960, Jean Lesage et son équipe du “tonnerre” se
font élire sous la bannière du Parti Libéral et promettre une
réorientation complète de l`État québécois. Son programme est
réformateur car il veut moderniser l’État, les ministères et la fonction
publique. De plus, le point central de son programme est primordial
pour le peuple ; il veut modifier le système économique pour que les
Québécois francophones puissent monter dans l’échelle sociale et ainsi
prendre contrôle de leur économie. Cette élection est suivie d’une
période de prospérité économique qui est caractérisée par le
plein-emploi et une faible inflation des prix, un des niveaux de vie
les plus élevé au monde, une croissance économique forte et soutenue qui
entraine une augmentation de la consommation en générale et finalement
une intégration économique et une plus forte exportation vers les
marchés extérieurs, principalement vers les États-Unis.
Les Libéraux de Lesage prône l’intervention de l’État pour créer un
État providence. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement intervient
de plus en plus dans divers domaines et devient régulateur de son
économie en la modernisant en investissant dans des nouvelles
technologies, notamment l’Hydro-électricité ou le Québec devient maitre
dans ce domaine et dans plusieurs secteurs mous pour relancer l’activité
économique et le privé n’ose pas s’investir. Pour augmenter la place
des québécois dans leur économie, le gouvernement met en place des
mesures qui favorisent la scolarité de son peuple et rédige des lois qui
favorisent de meilleures conditions de travail pour les ouvriers
québécois.
Un État interventionnisme se doit d’investir des sommes de capitaux
considérables et le recours à l’endettement est synonyme d’intervention
gouvernementale. Lesage est chanceux parce que le Québec possède une
des meilleures cotes de crédit car Duplessis a toujours rendu des
budgets équilibrés et la province paraissait bien gérée. Le gouvernement
profite de cela et créé de nombreuses sociétés d’État avec comme
objectif économique de contrôler une partie des richesses naturelles de
la province. Cela mène au fait que les québécois sont encore pauvres
individuellement, mais collectivement ils sont dans un bien meilleur
état financier. Une des mesures notables de cette période est la
nationalisation de l’hydroélectricité qui permet d’unifier les tarifs à
la grandeur de la province, de développer un réseau en vue d’exportation
et de développer une expertise toute québécoise dans un domaine précis.
La création de la caisse de Dépôt qui est un outil d’investissement
majeur pour l’État est aussi une action importante.
Le passage à une économie de services
Une des caractéristiques qui se manifeste dans la plupart des pays
industrialisé de cette époque est le passage à une économie de services
et le Québec ne fait pas exception à cette règle en voyant sa part du
tertiaire prendre une place très importante dans la société. En effet,
« les activités qui composent le tertiaire comptent pour 57% du produit
intérieur brut (PIB) du Québec en 1961 ; elles atteignent 66% en 1981 et
près de 71% en 1983 » (Linteau-Durocher-Robert-Ricard, 1989, p.501) et
regroupent de nombreux types d`activités et d’emplois, ce qui rend sa
description très complexe. La plupart des emplois de ce secteur
demandent peu de qualifications et sont rémunérés à faibles taux, mais
il s’y trouve aussi des emplois très intéressants comme médecins et
avocats.
La plupart de ses nouveaux emplois sont occupés par les Québécois de
langue française, qui voient aussi leur poids être augmenté par ses
nouvelles mesures gouvernementales qui les favorisent. Par exemple, le
peuple québécois fait une réel percée dans le secteur financier et
plusieurs facteurs y contribuent : « la hausse marquée du revenu des
Québécois de langue française, le relèvement du niveau de scolarisation,
la montée d`une nouvelle génération de gestionnaires, l`impact du
nationalisme et l`important appui du gouvernement québécois et ses
organismes, en particulier la Caisse de dépôt »
(Linteau-Durocher-Robert-Ricard, 1989, p.510).
Les travailleurs
La classe ouvrière voit aussi ses conditions être considérablement
augmentées durant cette période et cela est notamment dû à la pleine
reconnaissance des syndicats. Ces derniers réclamaient des mesures
concrètes et plusieurs de ses mesures ont finalement été accordées au
peuple québécois : « l’institution de l`assurance-hospitalisation, la
réforme du système d’éducation et l’intervention active de l’État dans
l`économie » (Rouillard, 2004, p.139). De plus, Rouillard affirme que
l’État accepte dorénavant un rôle primordial dans les domaines
économiques et sociales pour soutenir le modèle keynésien qui favorise
la réduction des inégalités sociales, tout en ayant une fonction
libéralisme pour l’économie. Il faut comprendre que les syndicats sont
satisfaits de cette « revalorisation du processus démocratique »
(Rouillard, 2004, p. 142) et le gouvernement leur donne certains
pouvoirs en les nommant dans quelques organismes consultatifs du
gouvernement et les syndicats en profitent pour les influencer à
syndiquer ses fonctionnaires. Toutes ses mesures démontrent que « la
libéralisation des lois du travail inaugure une nouvelle ère dans les
relations de travail au Québec, permettant l’expansion de la
syndicalisation et une amélioration sensible de la condition des
travailleurs salariés (Rouillard, 2004, p.145).
La consommation
Une des conséquences de l’augmentation du niveau de vie des Québécois
qui vient avec une hausse des salaires est le passage à une société de
consommation. La population est portée à consommer d’avantage et cela
est dû « à la transformation du marché, où les produits de plus en plus
nombreux sont moussés par la publicité et vendus à crédit »
(Linteau-Durocher-Robert-Ricard, 1989, p.623). Bien évidemment ce ne
sont pas tous qui profitent de cette prospérité générale, mais la
population en générale en profite et cela se reflète aussi dans ce qui
se nomme la culture de consommation. Le rejet du modèle traditionnel et
l’implantation des médias comme la télévision et la radio a pour effet
d’inonder la population de publicités et de favoriser la consommation.
L`Église perd son rôle
La décléricalisation de l’État était nécessaire à la société
québécoise si elle souhaitait véritablement faire son entré dans la
modernité. Le gouvernement de Jean Lesage a adopté des mesures concrètes
pour faire perdre à l’Église catholique ses pouvoirs, son prestige et
son influence. C’est ainsi qu’à partir des années 1960, l’État prend
plein contrôle de l’éducation et du système de santé, ce qui fait perdre
à la religion ses deux moyens d’interventions directes avec la
population et ne lui confère que l’activité pastorale comme champ
d’intervention. L’Église perd donc son titre de guide au dépend de
l’État qui intervient positivement dans des domaines où la population
était laissée à elle-même, à l’Église ou à la charité auparavant.
L’État-Providence
Le rôle que le gouvernement a donné à l’État se voulait un véritable
changement comparativement aux mesures prises durant les mandats de
Maurice Duplessis. La décision que le gouvernement Lesage a prise en
augmentant les impôts des particuliers notamment et en redistribuant les
richesses avec des mesures sociales ont contribué fortement à
équilibrer le niveau de vie général du peuple : « ses trois modes
d`intervention – réglementation, redistribution, assurance – touchent
tous les secteurs de la vie sociale et tous les individus »
(Linteau-Durocher-Robert-Ricard, 1989, p.637). Le fédéral intervient
depuis quelques années avec des mesures sociales comme
l’assurance-chômage, les allocations familiales, et les pensions de
vieillesse et le gouvernement québécois décident d’instaurer lui aussi
des mesures en réformant les programmes fédérales et en les adaptant à
la réalité québécoise. De plus, la réforme du système de santé est
probablement la plus importante des mesures sociales et devient
rapidement une politique dont peuvent être fiers les québécois. Le
programme public d’assurance-hospitalisation rend les services
accessibles gratuitement à l`ensemble de la population et cela oblige le
gouvernement à se porter propriétaire des hôpitaux, qui sont pour la
plupart des institutions privés lors de cette période. Néanmoins, toutes
ses mesures représentent la partie la plus visible des changements
sociaux apportés durant cette période.
En conclusion, la Révolution tranquille est une période de l’histoire
politique québécoise où il y eut une véritable réorientation du rôle de
l’État québécois quant à son intervention économique et à l’adoption
des principes du modèle keynésien pour former un État-providence. Malgré
des réformes qui ont bouleversées considérablement la vie de tous les
québécois et québécoises, je prétend que l’expression « Révolution
tranquille » me paraît exagérée pour désigner la période couvrant les
années 1960 à 1970. Lorsque nous examinons la définition du mot
révolution, nous pouvons y dénoter des termes qui définissent ce mot et
qui ne correspondent en rien à la période où le Québec a vécu de
multiples réformes : « ensemble des événements historiques qui ont lieu
dans une communauté importante (nationale, en général), lorsqu’une
partie du groupe en insurrection réussit à prendre le pouvoir politique
et que des changements profonds (politiques, économiques et sociaux) se
produisent dans la société » (Le Grand Robert de la langue française).
Évidemment ce qui s’est passé au Québec peut répondre à cette
définition sous plusieurs aspects avec le fait que plusieurs changements
politiques, économiques et sociaux se sont produit dans une courte
période de temps, mais toutes ses réformes ont été entreprises dans une
période de paix et les acteurs principaux de ses réformes croyaient
fermement au système et ne voulait aucunement un renversement de l’ordre
par une insurrection. L’équipe du "tonnerre" de Lesage a travaillé dans
le système monarchique parlementaire et souhaitait préservé la
démocratie représentative.
Mikael St-Louis
Bibliographie
Le Grand Robert de la langue française. Site Web : http://gr.bvdep.com/version-1/gr.asp
LINTEAU, Paul-André, DUROCHER, René, ROBERT, Jean-Claude, RICARD,
François. Histoire du Québec contemporain, Tome II : Le Québec depuis
1930, Québec, Boréal, 1989, 834 p.
ROUILLARD, Jacques. Le syndicalisme québécois deux siècles d`histoire, Montréal, Boréal, 2004, 335p.
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