lundi 30 janvier 2012

Peuples autochtones : différenciation régionale et évolution constitutionnelle

Les peuples autochtones vivent depuis des millénaires sur le continent américain et réussissent à survivre dans un milieu physique assez rude pour ce qui est du climat, de la végétation et des animaux sauvages. Pour se développer de façon à contrôler un continent avant l`arrivée des Européens, il est admis que ces hommes et femmes étaient organisés en groupements et formaient ainsi plusieurs sociétés. Il est vrai que reconstruire l`histoire amérindienne est assez complexe en raison du peu de vestiges retrouvés, soit quelques artefacts et écofacts. La reconnaissance des droits des autochtones, aussi bien au niveau fédéral que provincial, est une lutte interminable depuis plusieurs décennies et les relations n`ont pas toujours été positives. Il faut cependant noter que les gouvernements québécois des dernières années travaillent de plus en plus en collaboration avec les premiers peuples pour les impliquer et reconnaître leurs droits juridiques et territoriaux. Ghislain Otis a écrit un article sur ce sujet et son but est de faire « ressortir la nécessité immédiate, pour la majorité des Québécois, de renoncer à un réflexe historique de subordination constitutionnelle des autochtones ».



Dans La géographie structurale dynamique à la rencontre de l`archéologie, de l`anthropologie et de l`ethnohistoire écrit par Gilles Ritchot, l`auteur examine les Amérindiens d`Amérique du Nord pour analyser « la différenciation régionale des établissements autochtones du Canada oriental à la période des contacts, la signification des mobilités spatiales qui prévalaient en l`occurrence, notamment en rapport avec la dispersion des Iroquoiens du Saint-Laurent pendant la seconde moitié du XVIe siècle » (Ritchot, 1998, p.41).

Pour ce faire, Ritchot explique au lecteur que la discipline qu`il utilisera pour démontrer son hypothèse est la géographie structurale dynamique et qu`il ne peut utiliser plusieurs autres types de géographies comme la géographie historique ou classique car elles sont insuffisantes pour plusieurs raisons, dont le fait que les preuves archéologiques sont insuffisantes pour reconstituer la géographie humaine des établissements autochtones. La géographie structurale dynamique utilise les conclusions de l`archéologie, de l`anthropologie et de l`ethnohistoire avec comme but d`étudier les rapports entre les Amérindiens et le milieu naturel dans lequel ils vivaient et de reconstituer le plus fidèlement possible, sans preuves écrites, les établissements autochtones de cette époque.

Tout d`abord, Ritchot explique que la géographie classique aborde la problématique du rapport entre l`homme et la nature. La discipline explique que pour s`établir, l`homme se doit de fournir un effort pour avoir une prise sur la nature et ainsi exploiter les ressources présentes avec des équipements spécialisés et avec des techniques que l`homme peut reproduire. Il y a alors formation de groupements humains et ceux-ci s`installent où les ressources sont abondantes, ce qui créé des centres, périphéries et un pouvoir politique pour contrôler l`échange de ces ressources.

Par la suite, la spécialisation des techniques de chaque groupe implique la création de régions culturelles distinctes car les petites sociétés se démarquent les unes des autres par le milieu naturel qu`elles exploitent. Cette spécialisation aurait comme conséquence un déséquilibre entre les surplus et les pénuries de chaque société et obligerait ces dernières à faire des échanges avec ses voisins pour écouler ses surplus et combler les pénuries. Cela engendrait, après la création des régions culturelles, la création de régions économiques et d`une administration gouvernementale entre les Amérindiens du Canada oriental. La création de ces deux types de régions créera « l`apparition d`établissements lourds destinés à la régulation des flux économiques » (Ritchot, 1998, p.43). L`auteur cite de nombreux exemples dont celui que les « échanges auraient été inéluctables, afin que les horticulteurs des basses terres aient accès au gibier et que, réciproquement, les chasseurs des hautes terres aient accès au maïs » (Ritchot, 1998, p.43). Cependant, il faut préciser que ces sociétés étaient rivales et que certaines sociétés amérindiennes agissaient de façon neutre et devenaient ainsi des pôles économiques ou transigeaient et s`échangeaient de nombreux produits.

Gilles Ritchot continue en expliquant comment est la vision de la géographie structurale pour ce qui est de l`établissement humain des autochtones : « Ces valeurs profondes (anthropologiques) sont investies spatialement sous le coup d`un interdit universel de propriété ; cet interdit se traduit en trajectoires qui engendrent les positions d`un espace géographique anisotrope […] ; ces positions sont différentiellement valorisées par la rente ; enfin les occupations matérielles ont pour but […] de racheter la valorisation économique des positions » (Ritchot, 1998, p.44).

Ensuite, l`auteur définit les concepts de nomadisme et de sédentarité avec la définition de la géographie classique et il affirme que cette définition est dépassée. En effet, la géographie structurale explique que le nomadisme « sélectif » contrôle leur mobilité et celles des nomades « résiduels » et que la mobilité des sédentaires est contrôlée par les deux types de nomades. Il continue en affirmant que « l`évolution naturelle du nomadisme doit déboucher sur une sédentarisation culturelle » (Ritchot, 1998, p.46).

Ritchot en vient ensuite au cas des Iroquois de la vallée du St-Laurent. Il explique que la position de la géographie structurale qui défend l`idée d`un vacuum, un interdit d`établissements humains sans frontières apparentes, expliquerait la dispersion des Iroquois à cette époque. En effet, l`arrivée de l`homme blanc et le commerce de troc qu`il engendra avec les Amérindiens aurait eu comme conséquence la création d`un vacuum dans la vallée fertile du Saint-Laurent. Les Iroquois de l`État de New York se donnaient le rôle de gardien des interdits fondamentaux et voulaient contrôler les échanges commerciaux. Pour arriver à leur but, ces Amérindiens auraient saccagé les établissements de tous les habitants de la vallée du Saint-Laurent afin de contrôler le marché des échanges. Plusieurs meurtres auraient aussi été commis pour obliger les Iroquois installés dans cette région à quitter définitivement. L`auteur continue en expliquant différentes théories qui expliqueraient la disparation de ce peuple comme les épidémies, une petite ère glaciaire, l`épuisement des sols ou le génocide, mais il les réfute tous. Il explique que les Iroquois de l`État de New York ont vidé ce territoire d`humains sans les remplacer par un autre peuple ; cela prouve que ces gardiens des lieux sacrés ont instauré un vacuum à la vallée du Saint-Laurent. Ce lieu serait en quelque sorte une vallée symbolique et prouve l`hypothèse d`une régulation politique de la mobilité.


(2e partie) Évolution constitutionnelle


L’héritage colonial
Si le Québec est un pays riche et développé en 2010, c`est en grande partie grâce à l`exploitation des abondantes ressources naturelles que le territoire fournit à ses occupants et gouvernements. Que ce soit le bois, les rivières, les matières premières ou le sol, l`homme blanc a exploité la terre comme aucun homme ne l`avait précédemment fait auparavant et cela avec une « marginalisation systématique des collectivités indigènes qui avaient de tout temps occupé et contrôlé, à leur manière, le territoire ». Lors des premiers textes de lois, les gouvernements en place avaient pour simple objectif d`assimiler les premiers peuples en les annexant de façon non violente à la communauté présente. Cela représentait de faibles coûts et le plan pour la création de réserves dans le but de les sédentariser à été mis en place très rapidement. Avec ces Amérindiens dans les réserves, les gouvernements pouvaient exploiter de vastes territoires vierges.


L’ébauche d’une nouvelle relation
Même si les relations vont en s`améliorant aujourd`hui entre les deux peuples, cette ère « positive » a pourtant débuté par une querelle. Lors de la décennie des années 1970, le gouvernement québécois était en pleine expansion dans son réseau hydroélectrique et il est arrivé à la Baie-James dans le but d`y développer le potentiel hydraulique, sans s`entendre avec les Cris qui y demeuraient. Cet affront a été l`élément déclencheur et les « mandataires du gouvernement du Québec ont suscité des poursuites judiciaires et une mobilisation autochtone qui allaient inaugurer une ère de revendications politico-juridiques à l’origine du bouleversement récent des rapports constitutionnels entre les autorités étatiques et les premières nations ».

Les gouvernements avaient estimé que l`"autochtonie" était sur un déclin au début du XXe siècle et ils n`avaient plus trouvé essentiel de mettre à jour leurs vieux traités. Les Autochtones ont donc été en Cour suprême et cette dernière confirma « la persistance des droits ancestraux des autochtones là où ces droits n`avaient pas été validement éteints ». Ce fut une grande victoire pour les Amérindiens et leur pouvoir à la table de négociation, au moment où le gouvernement avait le plus de convoitise pour cette ressources naturelle, fut beaucoup plus grand.

Au lieu d`adopter la position de dominateur et de se confronter avec les autochtones, les dirigeants de l`époque ont été les principaux acteurs dans l`élaboration d`un nouveau genre de traité qui apportait la reconnaissance, une logique de coexistence et le respect pour leurs aspirations et leurs différences. Ils ne les reconnaissent cependant pas encore comme une communauté politique et historique autonome. Ainsi, les Cris autorisèrent les gouvernements à exploiter les ressources hydrauliques en échange de droits exclusifs ou prioritaires sur d`immenses territoires. Il y a aussi début de pourparlers sur les questions environnementales avec les peuples qui vivent dans le Nord québécois, mais cela est fait à petite échelle.


Une jurisprudence de l’interdépendance
Même si la victoire des Cris devant la Cour suprême semble donner d`énormes pouvoirs et droits aux autochtones, le plus haut tribunal estime que son rôle « est d’accommoder les droits historiques des autochtones sans récuser la souveraineté des institutions étatiques considérée comme un acquis intangible de la colonisation ». Cela veut dire que les pouvoirs veulent trouver des terrains d`entente entre les deux parties en les encourageant à la négociation, mais aussi que les autochtones ne se voient pas confier officiellement en tant que nation la majorité du territoire québécois. Il faut cependant comprendre que le gouvernement est aussi « menotté » et qu`il ne peut occuper à sa guise le riche territoire et qu`il en est le seul propriétaire. La Cour a aussi statué, pour éviter des revendications exagérées, que ces société amérindiennes font aussi partie d`une communauté sociale, politique et économique plus large qu`est le Canada.


Vers une alliance postcoloniale ?
Les autochtones sont reconnus officiellement par le niveau fédéral, mais pas encore au niveau provincial. Si la tendance se maintient, c`est véritablement ce qui pourrait se produire et cela entraînerait une nouvelle vague de traités qui seraient favorables aux deux parties et encourageraient un "projet novateur de vivre-ensemble". Si le projet continue de la sorte, il pourrait s`agir d`une véritable révolution dans l`histoire de notre pays car ce dernier « renoncerait sans arrière-pensée à sa posture historique de puissance. Un tel rapport est en réalité impossible dans l’ordre juridique canadien actuel qui tient pour inaltérable la souveraineté étatique et pour irréfutable le pouvoir des gouvernements de contraindre, au besoin, les peuples autochtones dans l’exercice de leurs droits constitutionnels. » Pour donner un exemple de ce que le gouvernement envisage, les Innus seraient sur le point de s`entendre sur la reconnaissance de leurs droits ancestraux à l`autonomie gouvernementale sur un territoire défini selon la loi. Il pourrait s’agir d`un véritable partage de pouvoir qui ouvrirait certainement la voie à d’autres nations. Le plus gros litige est bien entendu les négociations sur le partage du pouvoir en raison de l`impact que cela pourrait engendrer sur l`ordre socio-économique. Les terres attribuées aux Innus seraient séparées en deux classes. La première partie consisterait en un territoire où serait enlevée la tutelle du gouvernement et où seraaient encouragées les premières nations à investir des capitaux pour des fins de développement économique. Le deuxième territoire serait plus vaste et il serait légal de faire des « prélèvement des ressources à des fins alimentaires, sociales, rituelles et, dans certains cas, d’échange de subsistance. Sans exclure a priori les activités de prélèvement des non-autochtones sur le même espace foncier, les droits des autochtones seraient prioritaires ». L`auteur insiste sur le fait que si un tel projet est véritablement approuvé et mis de l`avant, les non-autochtones devront faire une grande remise en question du statu quo.


En conclusion, les principaux jugements émis par la Cour suprême permettent aujourd’hui d’affirmer que les autochtones possèdent des droits ancestraux, dont la grandeur exacte reste à définir, sur d’importants territoires du Québec n’ayant jamais fait l’objet d’un traité réfutant ces droits. Selon l`auteur de l`article, les relations et le dialogue ne feront que s`améliorer entre le gouvernement et les premières nations, peu importe l`avenir constitutionnel de la province. Il ajoute que les Québécois « devront reconnaître le rôle fondateur des autochtones dans la configuration de nos destinées fatalement communes. La société majoritaire est en train d’opérer, à cet égard, un virage parfois douloureux et les autochtones devront reconnaître la difficulté d’un tel changement de paradigme ». On peut donc dire que des défis s`imposent dans les deux clans pour un meilleur avenir collectif et durable. Pour la première partie du texte, il faut conclure que les Iroquois de l`État de New York ont consciemment créé une vallée symbolique en interdisant le peuplement humain dans la vallée du Saint-Laurent afin de « contrôler politiquement le nouveau commerce en voie de s`implanter dans cette direction » (Ritchot, 1998, p.49). Ces Iroquois y voyaient un énorme intérêt et ils tenaient à garder le contrôle sur les populations autochtones pour ce qui est des questions économiques et politiques. Cet interdit de la vallée symbolique aurait servi à distancer les différents acteurs amérindiens, politiquement et physiquement, et aurait ainsi créé de l`altérité et des conflits entre l`Iroquoisie et les nations algonquiennes et huronnes. Ritchot termine en affirmant que la géographie structurale propose de nouvelles théories crédibles, qui rendent compte d`un plus grand nombre de faits.


Mikael St-Louis


Bibliographie
Ritchot, Gilles. La géographie structurale dynamique à la rencontre de l`archéologie, de l`anthropologie et de l`ethnohistoire, Recherches Amérindiennes au Québec, Vol. XXVIII, No 2, 1998, p.41-50

mardi 24 janvier 2012

La guerre de Sept ans et ses conséquences sur la Nouvelle-France

La guerre de Sept ans, premier véritable conflit mondial, a énormément influencé les divers peuples qui y étaient impliqués, et ce de façon directe ou indirecte.




En Amérique, la guerre de la Conquête qui s`est déroulée de 1754 à 1760 est l`extension de la guerre qui se déroulait en Europe et qui opposait la France à l`Angleterre. Les peuples américains étaient donc exposés directement à cette guerre car cela se passait sur leur territoire et ils devaient en subir les conséquences. Il est intéressant de se questionner à savoir comment une guerre européenne a pu influencer le mode de vie et les relations des colonies françaises en Amérique et comment les individus touchés ont réagi à cet évènement des guerres de la Conquête et de Sept ans. Mon hypothèse à cette problématique serait que les habitants de la Nouvelle-France ont accepté et se sont adaptés rapidement aux changements imposés pour continuer à simplement vivre leur vie de subsistance.


Les puissances impliquées
La guerre de Sept ans s`est déroulée lors des années 1756 à 1763 et a impliqué plusieurs nations. Les principaux adversaires étaient la France et l`Angleterre, ainsi que la Prusse qui s`opposait à l`Autriche. En raison des nombreuses alliances et de la participation de plusieurs colonies à ce conflit, la plupart des pays d`Europe et les principaux pays d`Amérique s`affrontaient dans ce que l`on peut qualifier de premier véritable conflit mondial de l`histoire de l`humanité. Lors des débuts de la guerre de 1756, les alliances se forment et dictent ainsi les opposants. La Prusse et la Grande-Bretagne s`unissent contre la France, l`Autriche et la Russie et une fois les alliances signées, la
guerre débute.


Enjeux de la guerre
La guerre est devenue générale en très peu de temps et l`Europe se bat sur plusieurs fronts au même moment. En Europe, la principale zone de conflit se situe en Silésie pour l`obtention de son contrôle. La Prusse a conquis ce riche territoire peuplé en 1742 et la reine Marie-Thérèse de Habsbourg veut tenter tous les moyens pour reprendre cet important espace.

En Amérique, « les colonies d`Amérique deviennent l`un des enjeux les plus importants. Ainsi, les conflits coloniaux, englobés dans la guerre de Sept ans, la transforment-elle en une guerre d`Empire et une guerre de Conquête » (Mathieu, 2001, p.246). Les colonies françaises qui couvrent l`immense territoire du Canada, de la Louisiane et de l`Acadie sont opposées aux colonies anglaises qui sont entassées sur les rives américaines de l`Atlantique. Les colonies américaines commencent à ressentir le besoin de peupler les terres pour soulager leur forte pression démographique, mais les colonies de la Nouvelle-France sont collées sur elles. L`Angleterre veut gagner et elle prend de grands moyens dès le début du conflit. En effet, « elle adopte un plan à la fois politique, financier et militaire. Elle intensifie son effort de guerre au maximum […] en profitant de l`intérêt des coloniaux de treize colonies britanniques pour les riches territoires du Nord » (Mathieu, 2001, p.247). Aussi, le premier ministre anglais Pitt obtient 25 fois plus de crédits de son Parlement, quatre fois plus de bateaux de guerre et cinq fois plus d`hommes que la France pour la guerre. En Amérique, la différence du rapport de force est encore plus grande alors que la population des colonies anglaises se chiffre à environ 2 millions contre quelque 60 000 habitants en Nouvelle-France. La situation de la Nouvelle-France, au début de cette guerre, est donc très précaire : « au total, un territoire immense, difficile à protéger, un peuplement de très faible densité, des ressources naturelles en abondance, mais encore peu exploitées, font face à des colonies densément peuplées, regroupées sur un territoire restreint qu`elles voudraient élargir et jouissant d`une économie diversifiée et dynamique » (Mathieu, 2001, p.247)


L`élément déclencheur
La Vallée de l`Ohio est un point stratégique pour la France : « la vallée permet aux Français de relier les Grands Lacs à la Louisiane et aux coureurs des bois britanniques d`avoir accès au bassin des fourrures des Grands Lacs. Les Britanniques s`y approprient les terres fertiles et les adversaires y construisent alors des forts .Le commandant français Joseph Coulon de Jumonville et 30 de ses compatriotes, qui construisaient un fort, sont tués lors d`une embuscade menée par une équipe anglaise. Les Français ont largement protesté car ils étaient sous la protection d`un drapeau blanc et avaient un statut d`émissaires. Celui qui a ordonné ce massacre est nul autre qu`un des fondateurs des États-Unis, George Washington ! Selon Anderson, le geste de Washington était planifié et il avait des objectifs précis en tête :
« Destiny has long credited Washington with touching off the imperial conflagration between Britain and France as the militia commander who fired on the French forces of Joseph Coulon de Villiers de Jumonville camped at an undistinguished glen in disputed territory near the forks of the Ohio River in 1754. Anderson’s account, however, achieves complexity and depth not in what has traditionally been assigned to Washington’s youthful indiscretion, but to the highly intentional murder of the wounded Jumonville by Tanaghrisson, a native Catawba and adopted Seneca. The murder was a calculated, if desperate, attempt to assert Iroquois sovereignty over the Ohio Country and its native inhabitants by implicating the British in a deed that by Indian standards would require retribution and bring the empire into alignment with Iroquoian visions of territorial conquest. »
Les Français envoient alors un groupe de 500 hommes pour capturer Washington et ils réussissent à le faire prisonnier au fort Necessity. Obtenant des aveux de la part de Washington, les dirigeants français décident de le libérer peu de temps après sa capture. Ce dernier, prétextant avoir signé des textes rédigés en français et ne comprenant pas le véritable sens des écritures, récusa ses aveux. La Nouvelle-France aurait pu changer le cours de l`histoire en ne libérant pas cet homme au grand destin...


Montcalm au désespoir
Les Français le savaient, ils n`avaient pas de véritables chances de remporter cette guerre en sol américain. Montcalm est pessimiste : « 1759 sera pis que 1758. Je ne sais comment nous ferons » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.11) et le ministre de la Marine de la France lui demande le minimum possible : « l`objet principal que vous ne devez pas perdre de vue doit être de conserver du moins une portion suffisante de cette colonie, et de vous y maintenir pour pouvoir se promettre d`en recouvrer la totalité à la paix » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.11).

Montcalm demandait des renforts et la France l`abandonna presque. Il reçut l`aide de 400 hommes, alors que le général armé en demandait plus de 8000 supplémentaires. Le ministre de la Marine répondit simplement à Montcalm qu` : « on ne cherche point à sauver les écuries quand le feu est à la maison » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.11), ce qui démontre bien que la France n`avait pas inclus la Nouvelle-France dans ses priorités et que son sort lui importait peu. De plus, le 8 mars 1759, Montcalm note dans son journal : « On peut regarder ce pays-ci, et conséquemment la Louisiane, comme perdus pour la France, à moins d`un miracle inattendu ou d`une paix » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.12) ce qui démontre clairement qu`il sait que la défaite est inévitable et que les dés sont joués. Cependant, un point de vue de l`historien Cormack démontre que l`effort maritime de la France a souvent été minimisé :
« The struggle between France and Great Britain during the Seven Years War took place not only in Europe and the colonies but on the high seas. If British sea power assured the conquest of New France, the French navy’s role in this global conflict has often been minimized or misunderstood. » .

Les Iroquois participent à la guerre
Même si cette population amérindienne en est une de guerriers, elle ne souhaitait pas la guerre de Sept ans et souhaitait simplement vivre en paix avec ses voisins blancs. Les colons de la Nouvelle-Angleterre envahissent de plus en plus les territoires des Iroquois, surtout dans la vallée de l`Ohio. Cette guerre est cruelle pour cette population ; « De 1753 à 1760, cette guerre assombrit terriblement la vie des Iroquois du Canada. Chaque habitant de chacun des villages iroquois en est marqué d`une façon ou d`une autre » (Macleod, 1996, p.9). Cette guerre détruit leur économie et leur mode de vie et le conflit est à l`origine d`une importante épidémie de variole au sein de cette communauté. Même si ces Amérindiens ressentent le besoin d`aider leurs alliés français par solidarité : « ils se battent pour s`acquitter de leurs obligations d`alliés des Français plutôt que pour faire valoir leurs propres intérêts nationaux » (Macleod, 1996, p.10), ils ne sont pas d`accord avec la manière de faire la guerre des européens et font une guerre parallèle avec leur stratégie : « Ils guerroient aussi à leur façon , sans accorder d`importance particulière aux tactiques et aux aspirations militaires de leurs alliés » (Macleod, 1996, p.10).

Leurs tactiques guerrières ont créé d`inévitables tensions car les guerres européennes ne se déroulaient pas de cette façon. Les Français aussi n`approuvaient pas toujours les techniques amérindiennes, même si cela leur a permis de remporter quelques victoires de plus. La guerre a alors pris une autre tournure et était perçue « comme une série d`affrontements d`ordre culturel entre les valeurs et les coutumes militaires amérindiennes et européennes » (Macleod, 1996, p.10). On peut affirmer aujourd`hui que les différentes nations du monde moderne utilisent les bases des coutumes militaires amérindiennes. Lors de la fin du conflit, les Iroquois ont délaissé les Français pour protéger leurs propres intérêts en négociant une alliance avec les Britanniques.


La déportation des Acadiens
Cet évènement a marqué l`histoire du Canada. Les Acadiens sont des francophones catholiques qui sont sous le contrôle britannique depuis le traité d`Utrecht de 1713. Ils sont neutres depuis plusieurs années dans les conflits entre Français et Anglais et ils ont toujours refusé de prêter le serment d`allégeance au roi d`Angleterre. En 1755, un débarquement de 1800 soldats se produit en Acadie et les soldats confisquent la totalité des armes des citoyens. Le gouverneur de la Nouvelle-Écosse exige de nouveau le serment et la population le rejette de nouveau.

Quelques mois plus tard, les soldats arrêtent massivement les hommes et les embarquent dans des bateaux. On embarque ensuite les femmes et les enfants dans le but de les déporter. En tout, ce sont entre 8000 et 10 000 Acadiens qui seront déportés pour donner les meilleures terres à des colons de la Nouvelle-Angleterre. On tente de les éparpiller au peu partout dans les 13 colonies dans le but de les assimiler, mais la plupart des colonies les refusent ou en font leurs prisonniers. Les autres sont envoyés en Angleterre dans de vieux bateaux. Ceux qui survivent au voyage vivront dans des conditions misérables en Angleterre et seront traités comme des prisonniers de guerre. Lorsque le traité de Paris est signé à la fin du conflit, le roi Louis XV rembourse la dette des prisonniers acadiens et rapatrie environ 850 de ces francophones. Sur une population d`environ 12 000 Acadiens,
environ 8000 vont mourir de 1755 à 1763, principalement dû à la déportation et ses conséquences.


La chute de la Nouvelle-France
La bataille des Plaines d`Abraham est l`événement qui a conduit à la chute de la Nouvelle-France. Selon l`encyclopédie Universalis, c`est la
« bataille décisive de la guerre de Sept Ans, sur son théâtre d’Amérique du Nord, au terme de laquelle les Britanniques, placés sous le commandement du major général James Wolfe, vainquirent les Français, placés sous le commandement du marquis de Montcalm ». (1)
Depuis la chute de Louisbourg, la ville de Québec est le principal objectif militaire des Anglais et ces derniers tentent le grand coup. Toujours selon l`encyclopédie, « Wolfe prit la tête d’une force britannique de deux cent cinquante navires qui transportaient huit mille cinq cents soldats de métier » (1) et les installa aux portes de Québec. La ville, fortifiée naturellement, résiste plus de deux mois et les généraux français ont espoir que les Anglais demeureront pris dans la glace durant l`hiver, ce qui causerait inévitablement leur défaite. Malheureusement pour Montcalm, les Anglais trouvèrent une brèche dans la falaise le 12 septembre 1759, et le lendemain Québec et Montcalm tombaient sous les coups de feu des troupes de Wolfe. Les deux généraux, Wolfe et Montcalm, sont morts lors de cette célèbre bataille qui mènera les Britanniques à la capitulation du Canada : « Cette bataille entraîna la chute de Montréal l’année suivante et la victoire finale britannique ». (1)


La transition
De 1760 à 1763, les Britanniques ont occupé militairement le territoire de la Nouvelle-France car la guerre de Sept ans n`était pas terminée en Europe. Du côté des habitants, ils souhaitent que la Conquête soit renversée lors des négociations de paix et que le territoire retourne au roi de France. Même si les conquérants disposent d`un pouvoir absolu, ils exercent néanmoins leur pouvoir avec une certaine sympathie face aux conquis.

La guerre laisse des traces et la population est affamée. Le nouveau gouverneur du territoire, James Murray, pose des gestes pour aider la population et distribue de la nourriture. De plus, les militaires anglais respectent la tradition française et on garde la même structure hiérarchique.
Il y a cependant trois irritants majeurs ; Le serment d`allégeance, le désarmement de la population et les nouveaux dirigeants refusent de remplacer l`évêque qui vient de mourir. La Nouvelle-France se retrouve donc sans chef spirituel, mais garde tout de même sa langue et la religion.


Le traité de Paris
En 1763, est signé le traité de Paris par les puissances impliquées (la France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal) et ce traité, avec celui d`Hubertsburg, met fin à la guerre de Sept ans et la victoire est donnée sans équivoque à l`Angleterre et à la Prusse. Ce traité est signé en Europe. Selon Universalis, l`Angleterre en retire de nombreux avantages : « Tenue en échec sur le continent mais victorieuse sur les mers, l’Angleterre accepte à Paris un statu quo territorial en Europe occidentale, qui se révélera durable, pour mieux s’imposer comme la première puissance coloniale » (2). La France cède tous ses territoires coloniaux en Amérique du Nord, mis à part les petites îles de St-Pierre et Miquelon.


La guerre se poursuit dans les Caraïbes
Avec la défaite des Français en Amérique du Nord, les Anglais décident de continuer leur quête de territoires en attaquant les Caraïbes. Dès 1759, les Britanniques se procurent un endroit stratégique en capturant l`île de Guadeloupe. L`offensive armée anglaise continue et, malgré l`entrée en guerre de l`Espagne aux côtés de la France, réussit à conquérir les territoires de l`île de la Dominique et de la Martinique. En 1762, « l’ensemble des Caraïbes est maintenant entre les mains britanniques avec des pertes plus dues à la maladie qu’aux combats » (Wikipédia) .

Les Français tentent une dernière fois de reprendre quelques territoires en vue des négociations de fin de guerre, mais leurs offensives échouent et le continent nord-américain est désormais entre les mains des Anglais.


En conclusion, cette guerre mondiale a touché et influencé bon nombre de nations et de populations durant ses sept années de guerre. Seulement en Amérique du Nord, les Français, les Anglais, les Canadiens, les Acadiens, les colons anglais des treize colonies et les Amérindiens se battaient . Cette guerre était une extension de celle qui se déroulait en Europe, même si on peut affirmer que plusieurs des principales batailles importantes se sont déroulées en Amérique.
Pour revenir à mon hypothèse qui était que les habitants de la Nouvelle-France ont accepté la défaite et se sont adaptés rapidement aux changements imposés pour continuer à simplement vivre leur vie de subsistance, elle n`a pas été infirmée ni confirmée. Cependant, on peut constater que les habitants de la Nouvelle-France ne se sont pas soulevés contre le nouveau régime et que les nouveaux dirigeants ont aidé cette population conquise à survivre et à produire. De ce fait, même si cette guerre s`est déroulé en Amérique, les colonies sont des extensions de territoires européens et ont donc combattu dans une guerre européenne avec les moyens financiers de l`Europe et cela a entrainé les conséquences que l`on connaît.


Mikael St-Louis


Bibliographie

François Lebrun, L’Europe et le monde, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002, 352 pages.

Jacques Mathieu, La Nouvelle-France, les Français en Amérique du Nord, XVIe – XVIIIe siècle, Québec, Les Presses de l`Université Laval, 2001, 271 pages.

Guy Frégault, La guerre de la Conquête 1754-1760, Québec, Éditions Fides, 2009, 514 pages.

Jacques Lacoursière et Hélène Quimper, Québec ville assiégée 1759-1760, Québec, les éditions du Septentrion, 2009, 267 pages.

Peter MacLeod, Les Iroquois et la guerre de Sept ans, Toronto, VLB éditeur, 1996, 275 pages.
(1) Bataille de Québec, Encyclopédie Universalis, Page consultée le 10 avril 2010, http://www.universalis-edu.com/arti...
(2) Vincent Gourdon. Traité de Paris, Encyclopédie Universalis, Page consultée le 11 avril 2010, http://www.universalis-edu.com/arti...

William S.Cormack, The French Navy and the Seven Years ‘War, French history, Vol 20 Number 4, p.467-468, http://fh.oxfordjournals.org/cgi/co...

Fred Andersson, The war that made America : A short history of the French and Indian War, Ohio Wesleyan University, 2005, p. 98-100, http://www.uqo.ca:2071/ehost/pdf?vi...
Le projet ambitieux du Curé Labelle




Avec plus de 7 milliards d`être humains vivant sur la planète en ce début du XXIe siècle, l`humanité est au prise avec un problème de surpopulation et cela engendre plusieurs problèmes. De plus, la population n`étant pas répartie également et principalement concentré dans de grands centres urbains, certains pays comme la Chine et l`Inde doivent même instaurer un maximum d`enfant par couple pour contrer cette montée démographique sans précédant. Cependant plusieurs pays profitent, en quelque sorte, d`une faible population et leurs populations jouissent ainsi d`un plus grand espace vital et c`est le cas du Québec. Si le Québec présente une faible population (environ 7 000 000 d`habitants pour un territoire six fois plus grand que la France), cela se comprend très bien par les nombreux échecs de colonisation qui se sont produit au début de son histoire lorsqu`elle se nommait Nouvelle-France.

Le visage du Québec que l`on connait aujourd`hui avec ses 17 régions administratives est le produit d`une autre tentative de colonisation, dirigé à ses débuts par le curé Antoine Labelle. À l`époque, le Québec était principalement concentré sur les rives du fleuve St-Laurent et il devenait nécessaire pour que la province se développe de trouver d`autres terres vivables pour les nouveaux arrivants ou les nombreux enfants des québécois. La colonisation de certaines régions se sont fait très rapidement et ce thème amène une problématique grandement intéressante ; est-ce que la colonisation du curé Antoine Labelle avait pour but l`expansion démographique et géographique du Québec ou plutôt avait comme but d`exploiter les ressources naturelles du territoire. Mon hypothèse serait que le curé Labelle avait comme principal objectif l`expansion démographique et géographique pour renforcer la place de la religion catholique en Amérique, mais que ceux qui l`appuyaient avaient comme objectifs de s`enrichir avec les ressources naturelles.


Définition
Avant de débuter, il faut bien situer le contexte et le sens du mot « colonisation » pour la province du Québec. Selon Dussault , cette colonisation consiste au : « défrichement de territoire couverts de forêts, leur aménagement en vue de leur mise en valeur agricole et de l`exploitation de leurs diverses ressources, leur peuplement et leur organisation en paroisses canoniques et en municipalités civiles » (Dussault, 1983, p.7) Bref, il faut conquérir le territoire avec sa force humaine et le peu de ressources et d`aides que les colons possédaient à cette époque représentait un véritable défi. La population, toujours grandissante, ne pouvait plus vivre dans les vieilles seigneuries qui bordaient le St-Laurent et c`est au cours de cette période qu`il y eu d` importantes vagues migratoires vers l`intérieur de la province et du pays. Il y eu six régions qui se sont principalement développées du à ce mouvement de masse ; Les Cantons de l`Est, le Saguenay, la Mauricie, la Gaspésie, le Témiscaminque et le nord-ouest de Montréal (Laurentides et l`Outaouais). La religion était omniprésente dans ce projet et voici une citation du sociologue français Gauldrée-Boileau , qui était sur place su Saguenay en 1861, qui le prouve bien : « On voit les prêtres explorer eux-mêmes la contrée, choisir et désigner les endroits qui semblent les plus favorables à l`établissement de nouveaux centres de population et prêcher d`exemple en s`y installant eux-mêmes ». (Dussault, 1983, p.9) En effet, les religieux vivaient cette expérience comme une véritable mission et un des
principaux architectes de la construction du Québec est le curé Antoine Labelle.



François-Xavier Antoine Labelle
Le curé Antoine Labelle fait véritablement partie des bâtisseurs du Québec et à l`époque, il était considéré comme un héros et plusieurs mythes sur sa vie ont largement circulé dans l`imaginaire québécois. Il est né en 1833 à Ste-Rose de Laval et il est mort à l`âge de 57 ans dans la ville de Québec. Les historiens savent très peu de choses sur sa jeunesse, toute sa famille étant illettré et vivant dans une petite cabane de bois. Pour plusieurs historiens, dont Dussault, Labelle est dans une catégorie « inclassable » car il est à la fois un prêtre, un homme d`État, un homme politique et aussi un colonisateur. Il fût d`ailleurs surnommé le Roi du Nord lors de ses missions de colonisation. Il a fait des études en théologies au Grand séminaire de Montréal et débute sa vocation de curé dès l`année suivante. Lors de son arrivé à St-Jérôme en 1867, après un « épuisement », il s`implique dans sa communauté pour combler ses nombreux besoins. Il milite activement pour la construction d`un chemin de fer vers le Nord pour tenter d`enrayer l`émigration massive vers la Nouvelle-Angleterre. Il s`est principalement illustré comme promoteur de la colonisation de la Vallée de l`Outaouais. Cet homme est imposant par nature. Du haut de ses 6 pieds et de ses 330 livres, il incarne la force et le désir de réussir et surtout, il prouve que sa mission de colonisation est le but de sa vie et que rien d`autre ne peut le distraire. Par exemple, il plaide pour la construction du chemin de fer à St-Jérôme et au-même moment, ses biens et ses meubles sont saisis et selon les témoins, « il affiche un détachement personnel absolu de tout ce que les« hommes convoitent d`ordinaire si ardemment » (Dussault, 1983, p.200).

Il est souvent vu comme un non-conformiste au sein de l`Église catholique. Cette réputation est essentiellement tiré de sa vie politique et de sa lutte acharnée contre le courant de pensé ultramontain. Il fait définitivement partie des prêtres qui sont à vocation libérale. Un de ses grands rêves consistait à « une reconquête francophone et catholique de tous les territoires du Nord du Canada compris entre Montréal et Winnipeg par l’établissement d’une chaîne continue de colonies » (l`Encyclopédie Canadienne). Selon l`ouvrage de Gabriel Dussault, le rêve de Labelle consistait à une utopie de reconquête du territoire et d`indépendance par une stratégie pacifique et légale d`expansion territoriales. Il eut une carrière politique, qui s`est mal terminée, et cela sera abordé plus tard dans cette analyse.


Les voyages avant la colonisation
Les terres que le curé Labelle et son compagnon Ididore Martin ont choisies ne recèlent pas du hasard. Ils ont exploré auparavant les grandes forêts, à pied ou en canot, et s`est ainsi qu`ils décideront des emplacements des futures localités. Le curé Labelle découvre ainsi les principales ressources des régions et la topographie du terrain et il décide d`installer ses même localités près de rivières ou de cours d`eau. Une des techniques de Labelle pour s`assurer que ses choix soient respectés, « il les marque en y faisant planter une croix par son compagnon et en inscrivant dans une entaille […] place d`église ; je réserve deux lots pour la fabrique ». (Dussault, 1983, p.183)

Dès la construction des premières routes, Labelle recrute ses premiers colons dans son village de St-Jérôme et ses alentours. Cependant Labelle ne donnes pas de fausses illusions à ceux qui tenteront l`aventure et il les avertit bien que n`est pas colon qui veut : « Pour suivre cette carrière, il faut être courageux, ferme dans ses convictions, robuste et façonné d`avance par une vie dure et pénible aux travaux des champs ou bien être un artisan dont le métier a toujours exigé un fort exercice corporel. La femme doit être d`une constitution vigoureuse et initiée à tous les secrets de la vie agricole. Sur une terre neuve, la femme vaut l`homme par son travail et son industrie » (Dussault, 1983, p.184).

 Les colons qui acceptent ce défi sont principalement issus de deux groupes ; il s`agit soit d`ouvriers, soit des fils de cultivateur qui ne peuvent plus vivre sur la terre familiale dû au trop grand nombre de subdivisions. Ses deux groupes de gens ont comme point commun leur extrême pauvreté. On peut donc comprendre que ceux qui tentait l`aventure ne le faisait pas par choix, mais plutôt par obligation pour simplement survivre et ne pas s`exiler aux États-Unis et ainsi trahir sa religion et sa langue.


Les ressources ou les buts
L`agriculture est une conséquence directe de la colonisation. Tout d`abord c`est principalement dû au manque de terre fertiles sur les berges du St-Laurent que la colonisation du territoire commence, et c`est aussi un objectif de vivre de l`agriculture une fois les nouvelles terres défrichées. Lors du 19e siècle au Québec, l`agriculture est le secteur économique qui occupe le grand nombre de Québécois (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.129) et une idée populaire de cette époque est que les Canadiens-français ont une vocation agricole. Le fait que le sol québécois est très propice à ce mode de vie et très fertile (il ne faut qu`une saison pour récolter ce que l`on a semé, tandis qu`en Europe cela peut prendre plus de huit mois à certains endroit). Cependant, les technique agricoles causent un certain problème et les Québécois ne retirent pas le maximum de ce qu`il pourrait retirer. Selon Linteau, Durocher et Robert, « les défauts principaux de ce système, sont : (1) le manque de rotation appropriée dans les semences ; (2) le manque ou la mauvaise application des engrais ; (3) le peu de soin donné à l`élève et à la tenue du bétail ; (4) le défaut d`assèchement dans certains endroits ; (5) le peu d`attention donnée aux prairies et a la production de légumes pour la nourriture des troupeaux ; (6) la rareté des instruments perfectionnés d`agriculture » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.131-132). Dans les années qui suivirent, l`agriculture évolua et d`autres cultures vont apparaitre au Québec comme la pomme de terre, l`avoine, la production laitière et l`élevage d`animaux. C`est alors que le projet de la colonisation arrive et que l`agriculture sera liée à son succès. Le curé Labelle veut y fonder des paroisses, car ses dernières ne seront pas uniquement au service de la religion, mais deviendra « l`institution de base de la société rurale et même de la société québécoise » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.136). Le but du clergé est de garder le Québec dans une société ou l`église aurait encore une place importante et la société resterait ainsi rurale.


La réalité du secteur forestier
L`objectif principal des dirigeants de la colonisation consistait à ce que le colon arrive sur sa terre donnée, la défriche en quelques années pour s`y installer une petite ferme et cultiver pour sa subsistance. Cependant la réalité est très différente ; le bois constitue un véritable marché et la conjonction des éléments qui poussent les colons à travailler dans ce secteur sont énormes. Premièrement le colon n`a pratiquement pas de tâches à accomplir l`hiver comparativement à l`été. Deuxièmement la pauvreté du sol ne permet pas de faire des profits et le relief n`est pas toujours idéal pour y faire de l`agriculture. Troisièmement les deux secteurs sont liés ; « l`exploitant forestier a donc besoin du colon, qui lui fournit la main d`œuvre à bon marché et la nourriture pour les chantiers. Le colon de son côté a besoin de l`exploitant forestier, car il lui fournit un revenu d`appoint indispensable et un marché pour ses produits agricoles. » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.141). Comme le Québec est déjà capitaliste à cette époque, c`est l`industrie dominante (forestière ici) qui impose son rythme et ses lois sur son secteur dépendant (l`agriculture). C`est donc dire qu`il est arrivé souvent que lorsque la coupe de bois était terminée dans cette région, le colon décidait de suivre les compagnies forestières et devenait alors un bûcheron. Le secteur forestier deviendra alors le produit qui sera le plus exporté et occupera une partie importante dans l`économie québécoise et ce, jusqu`à aujourd`hui.


Les mines
Un secteur moins important que les deux derniers mais qui occupent une très grande place est celui des mines. Le curé Labelle est convaincu que le sol du territoire québécois regorge de richesse de tout genre avec des métaux comme l`or, l`argent, le cuivre et le fer. Il tente de convaincre certaines entreprises de venir exploiter le sol et d`investir dans certaines régions, mais les investisseurs se font rare. La découverte de plusieurs mines de fer dans les Laurentides ouvre cette région à la colonisation et le secteur prend peu à peu son envol. Même si cette région pourrait concurrencer la vallée de l `Outaouais pour le secteur forestier, Labelle préfère y investir dans le secteur des mines pour tenter d`y installer un mode de vie sédentaire et ne pas uniformiser le développement de l`industrie minière.


Le curé Labelle, pour ou contre les villes ?
Même si Antoine Labelle est un homme de Dieu, il n`en reste pas moins qu`il est un homme moderne et qu`il ne reste pas accroché au passé. Durant les 23 années de son règne de curé à St-Jérôme, il voit sa ville s`industrialiser et s`urbaniser très rapidement et il souhaite même en faire une grande ville. L`augmentation des manufactures à St-Jérôme fait vider les campagnes avoisinantes de cette ville. Il y a plusieurs moulins à farine, des scieries, des manufactures de tweeds et de chaussures et aussi une de papier. Labelle se rend évidemment compte qu`il y a des conséquences au niveau de l`emprise de la religion sur le peuple, mais malgré quelques protestations de sa part sur les mœurs de la ville, il veut à tout prix que le développement se poursuivre. D`ailleurs le journal Le Nord écrit dans une de ses éditions : « le jour n`est pas loin sans doute où M. le curé Labelle verra se réaliser ses prévisions et apparaître à ses yeux cette ville de St-Jérôme tant rêvée pleine de commerce et d`industrie, d`où le mouvement et la vie devront rayonner jusqu`aux derniers cantons du Nord ». (Dussault, 1983, p.113)


Les chemins de fer
Pour arriver à ses ambitieux objectifs, le curé Labelle y voit la nécessité d`y construire un chemin de fer reliant le Nord à St-Jérôme. Il se battra plusieurs années pour avoir raison de cause et il rêve que son royaume du Nord soit relié d`une extrémité à l`autre. Après sa mort, le journal anglais The Gazette reconnait que la construction de voies ferrées représentera peut-être l`article le plus important de son vaste projet (Dussault, 1983, p.118). Voici deux petite anecdotes qui illustrent bien l`obsession que le curé Labelle accordait à ses routes sur rails : « voudra qu`il (Labelle) ait une fois commis le lapsus d`imposer à l`un de ses pénitents de faire un chemin de fer plutôt qu`un chemin de croix. […] On raconta également […] que son supérieur hiérarchique crut devoir lui rappeler […] que les voies du Seigneur ne sont pas des voies ferrées » (Dussault, 1983, p.118). Antoine Labelle ne passe pas par quatre chemins pour expliquer son point de vue : « Les États-Unis vont vite parce qu`ils colonisent en chemins de fer tandis que nous, nous colonisons en charrette » (Dussault, 1983, p.118). Un commentaire assez étonnant de la part d`un membre de l`Église qui affirme que le modèle américain est une voie à suivre. Cependant, le « scandale du Pacifique » de John. A. McDonald ralentira le projet, mais Labelle continuera de se battre plusieurs années et verra plusieurs voies ferrées être construites.


Vraiment agriculturisme ?
L`idéologie de l`agriculturisme consiste à une idéologie de conservation. Il s`agit en résumé de vivre de sa terre dans un monde strictement rural et d`un rejet des progrès technologiques, industriels et du monde moderne. Le clergé québécois a certes véhiculé et imposé cette idéologie pendant un certain nombre d`années, mais pas le curé Labelle. D`ailleurs plusieurs prophètes de l`industrialisation du Québec comme Parent et David ont par ailleurs été des fervents défenseurs du mouvement colonisateur et encourageait les colons à exploiter le territoire et s`y installer pour qu`un jour, ce grand territoire devienne industriel. Drapeau , qui étudia la colonisation à cette époque, évoque même dans un rapport qu`il constatait « un facteur de développement rapide des entreprises industrielles et envisageait l`avenir du Canada comme celui d`un grand peuple agricole et manufacturier ». Bref, il est difficile de dire si l`agriculturisme était directement lié au projet colonisateur car plusieurs acteurs de ce mouvement se contredisent idéologiquement. L`objectif était peut-être l`agriculturisme, mais le résultat fût particulièrement différent et on peut même affirmer que la colonisation a contribué à ce que la province de Québec devienne moderne.


La propagande
Antoine Labelle était vraiment un homme moderne. Il a su profiter de la faveur de l`opinion publique pour faire pression sur ceux qui détenaient le pouvoir, les gouvernements. Premièrement cet homme était un orateur de premier plan et il utilisait abondamment la propagande orale. À cette époque le meilleur moyen de rejoindre le plus de population possible était lors de rassemblement populaire afin d`y faire passer son message. Le Roi du Nord était curé et disposait donc d`un auditoire nombreux et cela quotidiennement ! Avec sa fonction, il détenait certes un pouvoir d`autorité. Il engagea aussi un curé qui voyageait de paroisse en paroisse pour faire de la propagande. Labelle n`hésitait même pas à lancer de fausses rumeurs pour manipuler en quelques sortes les populations : « Il fera répandre le bruit que les gens de Saint-Jérôme se préparent à aller prendre en masse les lots de certains cantons ; la nouvelle court comme une traînée de poudre ; les habitants de Sainte-Agathe, par une émulation bien légitime, pour ne pas se laisser couper l`herbe sous le pied, se jettent dans les dits cantons ». (Dussault, 1983, p.220)

Deuxièmement Labelle use de la propagande écrite de façon indirecte. Il n`écrit que deux petites brochures sur la colonisation, mais le journal local de St-Jérôme, le Nord, suit et rapporte ses faits et gestes de façon très régulière et le journal peint souvent le portait de cet homme de façon grandiose.

Troisièmement il achète lui-même quelques cantons pour montrer que lui aussi s`implique de façon directe dans ce projet.

Quatrièmement il veut frapper l`imaginaire québécois. Dans un contexte où il luttait pour obtenir une subvention de 1 000 000 $ de la part de la ville de Montréal pour la construction du chemin de fer Montréal/St-Jérôme, il profita de l`hiver rigoureux. En effet, alors que Labelle avait comme principal argument que ce chemin de fer pourrait transporter de grandes quantités de bois vers les centres de Montréal, il profita de la montée ridicule du coût de la corde de bois pour arriver en ville avec 60 cordes fournies par les habitants de St-Jérôme pour aider les pauvres à se chauffer. Il gagna
instantanément la faveur de l`opinion publique (Dussault, 1983, p.222).

Finalement il utilisa aussi les manifestions comme moyen de pression. Il a réussi à réunir 3000 personnes dans la petite municipalité de Sainte-Adèle. Si on ne parle pas des plans de chemins de fer du curé Labelle pendant un instant, sa stratégie de colonisation repose sur deux types d`organisations d`encadrement ; la paroisse et la communauté religieuse. Il veut utiliser ses deux types d`organisations pour arriver à son rêve.


L`implication de la bourgeoisie
Plusieurs autres personnes, excluant les communautés religieuses, sont aussi intéressées à ce que le nord soit colonisé. C`est le cas de plusieurs avocats, hommes politiques et de membres de la bourgeoisie professionnelle. Leurs motivations ne sont pas toujours évidentes à saisir. Pour certains, « ils trouvent le moyen de rehausser leur réputation d`être au service du bien commun, et partant, de maintenir ou d`accroître leurs chances politiques » (Dussault, 1983, p.153). Pour l`autre groupe cependant, des intérêts financiers joueraient en leurs faveurs : « il semblerait aussi que les postes de directeurs qu`ils détiennent fréquemment dans la compagnie locale de chemin de fer les incitent, dans les intérêts même de la compagnie, à favoriser le peuplement de la mise en valeur de la région » (Dussault, 1983, p.153). Il est donc difficile de trancher à savoir leurs véritables intérêts, mais au moins ils se sont impliqués et sans eux le projet aurait été beaucoup plus difficile à réaliser.


L`échec d`Antoine Labelle
Au début de l`année 1891, l`écrivain Arthur Buies écrit : « soudain tout s`écroule. Un mot arrive de Rome qui brise le rêve et l`âme de l`apôtre, et lui-même, qui sent qu`il n`a plus qu`à mourir, reçoit avec grâce la mort qui vient à son appel » (Dussault, 1983, p.190). Ce genre de phrase, nous ne les rencontrons pas souvent dans l`histoire d`Antoine Labelle. Gabriel Dussault explique que l`histographie a de la difficulté à reconnaître que le projet d`un si grand héros pour notre province se termine par un échec. Même la religion catholique vit un malaise devant se déchirement entre Rome et Labelle, car se dernier ne se cachait pas pour avouer que cet échec le menait directement vers le désespoir et la mort. Labelle écrit lui-même une lettre de démission au Premier Ministre Mercier, qui la refusa : « À présent il ne me reste plus qu`à me retirer de mon poste et d`aller m`abriter, en silence, sous le drapeau de la colonisation et du mérite agricole […] en faisant les vœux les plus sincères pour la prospérité du pays et son avancement matériel et religieux » (Dussault, 1983, p.290).

Cet échec se résume à une guerre interne entre Labelle et Fabre, son archevêque. Fabre ne peut tolérer que Labelle et Mercier communiquent directement avec Rome sans passer par lui et il exige la démission de Labelle au poste de sous-ministre. Le Pape Léon XIII fait savoir qu’il souhaite que le curé Labelle reste au ministère, mais Mgr Fabre maintient sa décision, estimant que son autorité est en jeu. Envoyé par Mercier, le curé Labelle se rend à Rome pour plaider sa cause. Fabre réplique en dénonçant le libéralisme de Mercier et celui de Labelle. En juin 1890, Rome désavoue l’archevêque de Montréal : de par la volonté de Léon XIII, Monseigneur Labelle restera sous-ministre d’un gouvernement libéral. Cependant, Fabre remporte la deuxième bataille et la guerre contre Labelle : Rome refuse de diviser le diocèse de Montréal pour en créé un à St-Jérôme et Labelle est détruit ! Il meurt quelques mois plus tard, d`une infection à l`hernie…


Les retombés
Une fois l`œuvre de Labelle terminée, du moins l`œuvre que lui aura accompli, il faut en tirer des conclusions. La construction de son chemin de fer n`aura pas atteint les ambitieux projets que Labelle s`étaient imposés ; seulement quelques voies ferrés dépasseront St-Jérôme pour se rendre à Mont-Laurier en 1909. L`exploitation des mines ne se développent pas autant que prévu, à part dans sa ville de St-Jérôme. Plusieurs paroisses resteront de petits villages agricoles ou de simples stations estivales. L`immigration française que souhaitait Labelle n`a pas donnée les résultats voulus, mise à
part quelques centaines de colons répartis sur plusieurs années.

Il y aussi quelques points positifs ; Labelle a fondé entre 20 et 80 paroisses, les chiffres n`étant pas officieux et les historiens ont de la difficulté à s`entendre. On estime aussi à 20 000 le nombre de
colons qui ont tenté l`aventure que leur proposait le curé Labelle.

Il ne faut pas négliger non plus que sans les efforts d`une vie, le Québec que l`on connaît aujourd`hui serait fort différent et probablement moins développé !


En conclusion, on peut affirmer que la colonisation du Nord fût un succès mitigé. D`une part, le clergé n`a pas véritablement réussi à stopper l`émigration massive des Québécois vers les États-Unis et le nombre de colons qui s`installent dans les nouvelles terres se comptent par 1000 approximativement annuellement (Hamelin et Roy). Même si l`agriculture s`est développé considérablement, c`est le domaine de l`industrialisation, notamment le secteur forestier, qui attire les colons et supporte le surplus de population. Il faut cependant prendre en compte que le Québec n`est plus seulement concentré sur les plaines du St-Laurent et que la véritable conquête du territoire québécois est réellement commencée. Pour en revenir à mon hypothèse qui était que le curé Labelle avait comme principal objectif l`expansion démographique et géographique pour renforcer la place de la religion catholique en Amérique, mais que ceux qui l`appuyaient avaient comme objectifs de s`enrichir avec les ressources naturelles n`est pas complètement fausse. Le curé Labelle vivait pour sa mission et il souhaitait de tout son cœur que le Québec devienne moderne, tout en restant fier de son identité francophone et catholique. Et il est aussi vrai que plusieurs hommes d`affaires se sont enrichis avec la construction du chemin de fer et le secteur forestier.. Il serait intéressant d`étudier l`impact que le curé Labelle aurait pu avoir si les ultramontains ne lui auraient pas constamment nuit.


Mikael St-Louis




Bibliographie

-G. Dussault, Le Curé Labelle. Messianisme, utopie et colonisation au Québec (1850-1900), Montréal, Hurtubise (1983)
-G. Dussault, Dictionnaire biographique du Canada, « Labelle, François-Xavier-Antoine », vol. XII.
-É.-J. Auclair, Le curé Labelle. Sa vie et son œuvre, Montréal, Librairie Beauchemin, (1930)
-Linteau, Durocher et Robert, Histoire du Québec contemporain, Montréal, les Éditions du Boréal (1989)
-A.Pelland, La colonisation dans la province de Québec : Guide du colon, Québec, Ministère de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries (1910)
-L`encyclopédie canadienne, François-Xavier-Antoine Labelle, Bibliographie, Page consultée le 5 décembre 2009, [En ligne] http://thecanadianencyclopedia.com/...

mardi 17 janvier 2012

Vive le Québec libre !

 
une  analyse du discours de Charles de Gaulle au Québec
 

Les Québécois et les Québécoises ont une histoire relativement jeune si on l`a compare avec d`autres nations comme la France, la Grande-Bretagne, l`Allemagne et bien d`autres. Le Québec a cependant vécu une multitude d`évéments politiques, économiques, militaires et sociaux qui rendent son histoire intéressante à étudier. L`éternel combat d`affirmation entre les français et les anglais au Canada a occupé depuis des siècles les débats politiques et sociaux et a mené à des luttes armées entre divers opposants. La décennie couvrant la période 1960 à 1970 aura été signifiante dans la montée de l`idéologie indépendantiste au Québec et les nombreux changements sociaux de cette époque démontraient bien les différences marquées entre les différents peuples du Canada. Un des évènements marquant de cette décennie s`est déroulé en juillet 1967 alors que le général français Charles de Gaulle a prononcé un discours rempli d` émotion aux Québécois du haut de l` hôtel de ville de Montréal. Ce discours demeure encore aujourd’hui une des interventions extérieures les plus retentissantes et les plus controversées de notre histoire et qui aura grandement nui dans les relations entre le Canada et la France. Le but de cette analyse est de se demander si le discours du président français aura réellement influencé les Québécois sur la cause indépendantiste.


Le discours du général de Gaulle à Montréal
« C’est une immense émotion qui remplit mon cœur en voyant devant moi la ville de Montréal française. Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue. Je vous salue de tout mon cœur ! Je vais vous confier un secret que vous ne répèterez pas, ce soir ici, et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération.
Et tout le long de ma route, outre cela, j’ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d’affranchissement vous accomplissez ici et c’est à Montréal qu’il faut que je le dise, parce que, s’il y a au monde une ville exemplaire par ses réussites modernes, c’est la vôtre ! Je dis c’est la vôtre et je me permets d’ajouter, c’est la nôtre.
Si vous saviez quelle confiance la France réveillée, après d’immenses épreuves, porte maintenant vers vous. Si vous saviez quelle affection, elle recommence à ressentir pour les Français du Canada, et si vous saviez à quel point, elle se sent obligée de concourir à votre marche en avant, à votre progrès ! C’est pourquoi elle a conclu avec le gouvernement du Québec, avec celui de mon ami Johnson des accords, pour que les Français de part et d’autre de l’Atlantique travaillent ensemble à une même œuvre française.
Et, d’ailleurs, le concours que la France va, tous les jours un peu plus, prêter ici, elle sait bien que vous le lui rendrez, parce que vous êtes en train de vous constituer des élites, des usines, des entreprises, des laboratoires, qui feront l’étonnement de tous et qui, un jour, j’en suis sûr, vous permettront d’aider la France.
Voilà ce que je suis venu vous dire ce soir en ajoutant que j’emporte de cette réunion inouïe de Montréal un souvenir inoubliable. La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici et je puis vous dire qu’elle en vaudra mieux.

Vive Montréal ! Vive le Québec !
Vive le Québec... libre !
Vive le Canada français Et vive la France ! »

- Charles de Gaulle à Montréal le 24 juillet 1967

Le contexte

Lorsque le général de Gaulle est arrivé à Montréal en 1967, la société québécoise vivait de profond bouleversement au niveau politique, social, économique et idéologique. Le début des années 1960 a été marqué par l` arrivé au pouvoir des libéraux des Robert Bourassa qui vont changer les structures du Québec en réorientant le rôle de l` État québécois. En effet, le premier ministre Bourassa a embrassé les principes de l` État-providence et à aider à la province à entrer dans la modernité en mettant les bases de la séparation de l`Église catholique et de l`État et en misant sur les politiques économiques keynésiennes. Ce brusque changement dans les valeurs de la société québécoise se fera donner le nom de Révolution tranquille et démontre bien que les changements ont été majeurs pour avoir le terme de révolution. Jean Lesage et son équipe ont d`abord redéfinie le système de santé et le système d`éducation pour sa province avec notamment la gratuité en santé avec la carte de l`assurance-maladie et la prise de contrôle de l`éducation par le gouvernement. Le PLQ aura aussi renoué avec les mouvements nationalistes provinciaux en misant sur la langue pour unir la population. De plus, de vastes travaux pour urbaniser le Québec en infrastructures seront lancés et cela va créer de nombreux emplois. Cette révolution sans arme aura remué le Québec et il serait faux de croire que ses brusques changements auront plu à tous au moment ou cela se passait. Le PLQ a d`ailleurs perdu les élections de 1966, mais les nouveaux dirigeants en place ont décidé de continuer le travail amorcé. Socialement, le Québec se réveillait.

Il y a aussi la montée du mouvement pour l`indépendance et la création du FLQ qui marque le début des années 1960.

En effet, plusieurs intellectuels se regroupent et forment le Rassemblement pour l`indépendance nationale (RIN) au début de l`année 1960 et comparent la situation du Québec à plusieurs pays qui vivent le contexte mondial de la décolonisation.

De plus, les statistiques de l`année 1961 démontre clairement que le peuple québécois est défavorisé comparativement aux anglais du reste du Canada : « entre les Québécois francophones et anglophones, l`écart de revenu moyen est de 35%. […] Le Québec, qui représente 27% de la population du Canada, n`en compte pas moins de 40% des chômeurs. En 1960 et 1961, le taux de chômage y dépasse les 9% de la main d`œuvre. Enfin, les francophones contrôlent moins de 20% de l`économie québécoise. » (Fournier, 1998, p.17-18). C`est alors qu`un mouvement patriotique frappe le Québec, autant chez les travailleurs, les étudiants que les politiciens.

La situation mondiale est aussi avantageuse à la cause du Québec car la décolonisation est à l`ordre du jour. Seulement en 1960, « 17 nations d`Afrique ont accédé à l`indépendance. Deux révolutions victorieuses, en Algérie et à Cuba, ont mis au premier plan la lutte armée comme moyen d`action privilégié » (Fournier, 1998, p.22). Il est évident que la lutte de Cuba, petite nation de 7 millions d`habitants, inspirera le FLQ dans sa cause et qu`il sera son modèle. C`est dans ce contexte que sera formé le FLQ, qui prône l`indépendance du Québec, suivi d`une révolution sociale.


Charles de Gaulle

« L’originalité exubérante de son personnage, l’ampleur de ses vues, les talents d’orateur, d’artiste et d’écrivain qu’il aura déployés pour les faire prévaloir, font sans doute de Charles de Gaulle le Français capital du XXe siècle » (Lacouture, Universalis)

Charles de Gaulle entre définitivement dans l`Histoire lors de la Seconde guerre mondiale alors que la France et son gouvernement, dirigé par Vichy, capitule face à l`armée d`Hitler qui lui permet d`occuper le territoire français. Il ne peut accepter que son pays ne se défende pas et « il fédère les très nombreuses factions de la Résistance au sein des Forces françaises de l`intérieur (FFI) ; cette unité et la part prise à la libération du territoire permettent à la France de conserver sa place dans la guerre et de sauvegarder son indépendance face aux Alliés » (Rioux, 2005, p.218). Il devient le héros français du XXe siècle et sa réputation est faite : « nous sentons le devoir de parler au nom de tous les Français bâillonnés dont le général de Gaulle incarne la volonté de la résistance et qui meurent pour que la liberté vive » (Amyot, 1998, p.402)

Après la guerre, il fonde la Ve république et il devient son président pendant une durée de 10 ans, soit de 1959 à 1969. Durant son règne, il s` oppose à la montée des deux puissances (États-Unis et URSS) et travaille pour une France libre et il dispose de l` arme nucléaire.
Il arrive à Montréal le 24 juillet 1967, sous l`invitation du premier ministre du Québec Daniel Johnson, dans le cadre des festivités de l`exposition universelle de Montréal, communément appelé expo 67.

Il y prononcera un discours qui ne laissera personne indifférents dans les milieux politiques.


La décortication du discours

Ce discours patriotique fait évidemment d`énormes allusions au passé entre la France et le Québec. Du début à la fin, le président de la République française fait appel au passé victorieux pour encourager le peuple québécois dans sa lutte contre les anglo-saxons. Il prononce : « en voyant devant moi la ville de Montréal française. Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue » et fait directement appel à la mémoire pour rappeler qu`il y a moins de 200 ans, cette province était française et que ses premiers habitants, nos ancêtres, étaient des français. Une autre phrase qui retourne au passé est celle-ci : « Si vous saviez quelle affection, elle recommence à ressentir pour les Français du Canada ». Le verbe recommencer rappel l`ancienne affection que les deux peuples se donnaient. Il continue en s`adressant directement à son auditoire et il tente de leur donner l`espoir que toute lutte peut être victorieuse et que lui-même croit en cette libération : « ce soir ici, et tout le long de ma route, je me trouvais dans une atmosphère du même genre que celle de la Libération ». Il dit clairement à la foule nombreuse de 100 000 québécois que son chemin qui l`a mené jusqu`à Montréal vibrait dans une atmosphère et que la Libération est survenue et qu`il croit que cela peut se passé au Québec.

Charles de Gaulle est un excellent orateur et il sait mélanger les termes historiques et techniques pour faire un bon mélange entre passé, présent et avenir. Ses paroles de juillet 1967 clament au Québécois qu`ils sont dans une période de changement et que la modernité est à leur porté de main et qu`ils peuvent prendre contrôle de leur destin. Il utilise des termes techniques comme : « j’ai constaté quel immense effort de progrès, de développement, et par conséquent d’affranchissement vous accomplissez ici [...] par ses réussites modernes ». Il inclut aussi le gouvernement du Québec et directement le premier ministre Johnson dans un partenariat pour genre de lutte de libération des peuples francophones : « elle (la France) se sent obligée de concourir à votre marche en avant, à votre progrès ! C’est pourquoi elle a conclu avec le gouvernement du Québec, avec celui de mon ami Johnson des accords, pour que les Français de part et d’autre de l’Atlantique travaillent ensemble à une même œuvre française. ».

Le général français y va aussi de quelques expressions qui peuvent sembler banales, mais qui ont toutes leurs sens et qui montre que de Gaulle, qui parle au nom de la France, veut réellement tisser des liens étroits et de longues durées avec le Québec : « La France entière sait, voit, entend, ce qui se passe ici et je puis vous dire qu’elle en vaudra mieux ». Il parle aussi au nom de la France quelque peu avant pour faire comprendre que la France reconnaît ses erreurs vis-à-vis le Québec et qu`elle est prêt à s`ouvrir les yeux : « Si vous saviez quelle confiance la France réveillée, après d’immenses épreuves, porte maintenant vers vous ».

Deux expressions obscures ont retenu mon attention dans ce texte.

Premièrement, « s’il y a au monde une ville exemplaire par ses réussites modernes, c’est la vôtre ! Je dis c’est la vôtre et je me permets d’ajouter, c’est la nôtre. » peu laisser l`auditeur, ou le lecteur quelque peu perplexe pour ce qui est de « c`est la nôtre ». Le général de Gaulle veut probablement, avec cette phrase, démontrer que la ville de Montréal et la France sont unis et que les efforts des uns rapporteront aux autres et vice-versa. Cependant, la France était dans le temps de la Nouvelle-France une métropole qui pratiquait le mercantilisme et le but de la colonie française était seulement d`enrichir la métropole et non de se développer socialement et politiquement.

Deuxièmement, « le concours que la France va, [...], prêter ici, elle sait bien que vous le lui rendrez, parce que vous êtes en train de vous constituer des élites, des usines, des entreprises, des laboratoires, [...] et qui, un jour, j’en suis sûr, vous permettront d’aider la France. » laisse aussi à réfléchir. Il indique que la France est prêtre à financer et à aider le Québec à se bâtir, mais laisse aussi entendre à un possible pacte économique qui nous encouragerait fortement à se développer au profit de la France, une certaine forme de mercantilisme. Mais encore, de Gaulle voulait probablement plus mettre de l`avant un accord économique entre le Québec et la France, tandis que le Canada avait plutôt des pactes avec la Grande-Bretagne et les États-Unis.


L`analyse

Dans le contexte qu`arrive Charles de Gaulle au Québec, ses objectifs étaient préétablis et il savait exactement ce qu`il s`en venait faire à Montréal. Il était engagé dans une lutte non armée et la situation du Québec cadrait parfaitement avec ses objectifs : « la guerre d’Algérie terminée, le général de Gaulle déploie une politique étrangère activiste, orientée vers l’affirmation de l’indépendance de la France et de son rôle dans le monde, ainsi que vers la remise en question de l’hégémonie des superpuissances et le desserrement de l’ordre mondial bipolaire qui encadre les relations internationales depuis le début de la guerre froide. » (Saul, 2006, p.70).

Charles de Gaulle prend alors le micro en juillet 1967 et seulement quatre mots prononcés par ce dernier « entraînent le départ précipité du Général et la quasi-rupture entre les deux pays (France et Canada) » (Lescop ,1981 ,p.51). Il s`agit du célèbre « Vive le Québec … libre ! ».

Le général français démontrait une certaine arrogance vis-à-vis le gouvernement fédéral canadien car il était le premier chef d`État à accepter deux invitations officielles, l`une d`Ottawa et l`autre de Québec. De plus, le président décide de faire son voyage au Québec en premier, ce qui confirme l`importante accordée par la France aux québécois.

Le gouvernement québécois aussi comprend l`importance de cette visite et fait tout pour un accueil dont les français se souviendront. D`ailleurs, le nouveau premier ministre Daniel Johnson, « qui vient tout juste de lancer son slogan « égalité ou indépendance », sait combien cette visite peut le servir dans sa recherche d`une égalité de statut entre les deux nations fondatrices du pays » (Lescop, 1981, p.52).

La visite du président ne se résume non seulement au discours prononcé à Montréal car ses 16 conférences que de Gaulle réaliseront durant son voyage. En bref, son argumentation se résumé à « premièrement, le caractère véritable français du Québec et de son peuple, […] deuxièmement, le réveil de ce peuple, […] troisièmement, le resserrement des liens entre ce peuple français et la France » (Lescop, 1981, p.54).

Lorsqu`il arrive à Montréal, il vit de fortes émotions et la foule y est pour quelque chose. L`ambiance y est survoltée et le climat de retrouvaille se lit sur tous les visages. Son discours, il le livre à l`auditoire et « le rassemblement de Montréal lui rappel l`atmosphère de la Libération » (Lescop, 1981, p.58) et c`est ainsi qu`il est emporté et lance le célèbre « Vive le Québec … libre ! »
Tout au long de son discours, la foule l`a interrompu à maintes reprises pour l` ovationner et tous, y compris le premier ministre, sont sous le choc et est ébahit devant le discours.

La réaction d`Ottawa ne se fait pas attendre et le gouvernement canadien condamne vivement cette intervention dans la politique intérieure du Canada et affirme que le Canada est un pays libre et qu`il n`a pas besoin d`être libéré. Rien pour désamorcer les tensions entre le Canada et la France, de Gaule décide d`annuler son voyage à Ottawa et préfère déjeuner avec le maire de Montréal. Il quitte le lendemain pour retourner dans son pays après avoir secouer les structures de l`État canadien.

En conclusion, il est évident à la suite de cette analyse que le général Charles de Gaulle a influencé la montée du nationaliste et de l`idéologie souverainiste au Québec. Pour de Gaulle, « le Québec est à un tournant de son destin […], il ne fait aucun doute que l`évolution qui s`est produite au Canada français depuis le début des années 1960, est en train de déboucher « sur l`avènement d`un peuple qui veut dans tous les domaines disposer de lui-même et prendre en mains ses destinées » » (Lescop, 1981, p.55). Depuis ce jour, le débat sur la souveraineté du Québec est toujours d`actualité et le peuple québécois a tenté deux fois, par biais de référendum, d`obtenir son indépendance du Canada. En 1995, seulement quelques milliers de votes ont donnés la victoire au maintien du Québec dans le Canada et nous savons aujourd’hui que cette élection référendaire à été rempli de scandales financiers et de commanditaires. Depuis deux ans, le gouvernement conservateur du Canada a reconnu le Québec comme une nation distincte du reste du Canada et à obtenu un siège d`observateur à l`OTAN. Cette lutte, parfois pacifique, parfois violente, entre le régime anglais et le régime français dure depuis la guerre de la Conquête. Cela dure donc depuis 250 ans et rien n`indique que le débat sera terminé dans un avenir rapproché.


Mikael St-Louis

*** Cette analyse a été faite en Avril 2010 dans le cadre d`un travail universitaire ***


Bibliographie


- Lescop, Renée. Le pari québécois du général de Gaulle, Montréal : Boréal Express, 1981, 218 pages.
- Rioux, Jean-Pierre, dir. Une histoire du monde contemporain. Paris, Larousse, 2005.
- Fournier, Louis. (1998). FLQ histoire d`un mouvement clandestin, Outremont, Lanctôt éditeur, 533 p.
- Lacouture, Jean. Charles de Gaulle, L`encyclopédie Universalis, http://www.universalis-edu.com/ency..., page consultée le 10 avril 2010
- Samir Saul « Regards officiels canadiens sur la politique étrangère de la France gaullienne, 1963-1969 », Guerres mondiales et conflits contemporains 3/2006 (n° 223), p. 69-91,http://www.cairn.info/article.php?I...
- Amyot, Éric, La bataille pour le Québec : Vichy, la France libre et les Canadiens français 1940-1945, thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l`Université McGill comme exigence partielle du doctorat en histoire, http://www.uqo.ca:2087/pqdweb?index...

 

samedi 14 janvier 2012

Comment choisir la bonne option sans nuire à la cause indépendantiste?

Une courte analyse du PQ, de QS et d`ON





L`histoire du territoire où se situe aujourd’hui la province de Québec est riche en évènements qui ont marqué, non seulement l`histoire du Canada et de l`Amérique du Nord, mais aussi celle du reste du monde. Il y a évidemment eu les Amérindiens qui ont occupé exclusivement le territoire durant plusieurs siècles en harmonie avec le milieu naturel, et qui depuis l`arrivée de l`homme blanc en 1534 sont repoussés dans des réserves minuscules où ils se font assimiler par les valeurs qui sont véhiculées par l`Occident.

Depuis la Confédération de 1867 qui a créé le Canada, les deux « peuples fondateurs » (Canadiens anglais et Canadiens français) ont des visions différentes de la manière que le politique doit être gérée, ce qui a historiquement créé des conflits et des rivalités.

Le nationalisme québécois a d`abord été défendu par le Premier ministre Maurice Duplessis qui insistait ardemment pour que le gouvernement fédéral n`intervienne pas dans les champs de compétences de la province et en créant le drapeau québécois et en percevant ses propres impôts.
Durant la Révolution tranquille, le nationalisme québécois a pris une autre tournure lorsque la classe politique a voulu rendre les Québécois « maîtres chez eux » en les propulsant dans des postes clés et en reprenant en main leur économie qui était dans les mains des Anglais du ROC (Rest of Canada). Cette prise de conscience du peuple québécois dans les années 1960 aura donné un énorme sentiment de réussite et l`idée commençait à circuler que le peuple québécois serait capable de se gouverner par lui-même en décidant ses propres lois et en percevant ses propres impôts ; et le moyen de réaliser l`autodétermination du Québec serait de se séparer du Canada et de créer son propre pays souverain.
La création du PQ dans les années 1970 aura été l`élément déclencheur de ce mouvement de contestation qui réclame que la majorité, sinon la totalité, des pouvoirs politiques soient remis au Québec. 40 ans plus tard le débat est toujours aussi intense quant à savoir si le Québec devrait réclamer son indépendance et plusieurs partis politiques provinciaux proposent différents moyens pour y parvenir.

Même si la majorité des médias clament haut et fort que la question nationale n`intéresse plus la population, cet enjeu est historiquement le plus important, bien plus que le remboursement de la dette ou de la gestion de la crise économique car tous ses enjeux sont reliés à l`indépendance du Québec. Le Parti Québécois, Québec Solidaire et Option nationale ont tous leur proposition pour accéder à l`indépendance, analysons-les !

Parti Québécois (PQ)

Depuis sa création par René Lévesque dans les années 1970, le Parti Québécois a opté pour un mode d`accession à l`indépendance par voie référendaire, ce que le parti a tenté par deux fois durant son histoire (défaite en 1980 et 1995). Depuis le départ d`André Boisclair et l`arrivée de Pauline Marois comme chef du PQ, la stratégie a quelque peu changé : le PQ opte désormais pour la gouvernance souverainiste, ce qui implique de demander au gouvernement fédéral le rapatriement des pouvoirs pour le Québec avec comme objectif de reprendre les pouvoirs dus ou bien espérer le refus du fédéral pour que la population demande un autre référendum. Pour arriver à leur objectif, le PQ a opté pour une stratégie en 4 points :
1. Combattre les intrusions du gouvernement fédéral
2. Assumer pleinement tous les pouvoirs que nous avons déjà
3. Occuper et à redéfinir l`espace législatif partagé avec Ottawa
4. Acquérir de nouveaux pouvoirs
Le Parti Québécois de Pauline Marois avec sa stratégie de gouvernance souverainiste affirme que la province ne peut plus tolérer les intrusions d`Ottawa dans les champs de compétences exclusifs, comme l`éducation, la santé et les politiques familiales. Pour ce faire, le PQ exigera le retrait d`Ottawa dans ses programmes avec compensation financière équivalente et le gouvernement provincial pourra ainsi décider où il investit ses capitaux. De plus, les péquistes proposent l`élaboration d`une Constitution québécoise ainsi qu`une citoyenneté québécoise pour les habitants de la Belle province. Ces gestes importants auraient comme conséquence d`affirmer pleinement les valeurs québécoises, dont la langue française avec le renforcement de la loi 101. Aussi, le parti souverainiste prône un partage des pouvoirs comme en immigration pour mieux intégrer les nouveaux arrivants.


Québec Solidaire (QS)

Le parti de gauche Québec Solidaire, qui est représenté par le député de Mercier Amir Khadir à l`Assemblée nationale, propose un mode d`accession à l`indépendance en optant pour une assemblée constituante qui aura comme finalité une consultation populaire dont les conclusions seraient soumisses par référendum et ou Québec Solidaire y défendrait l`option de la souveraineté en travaillant auprès de la population pour viser à construire un soutient majoritaire à l`Indépendance.
La première démarche consistera à l`élection au suffrage universel d`une assemblée constituante où différentes composantes de la société québécoise seront représentées. Cette assemblée aura comme principale tâche « d`organiser un processus de démocratie participative pour consulter la population sur son avenir politique et constitutionnel de même que sur les valeurs et les institutions politiques qui y sont associés » (programme Québec Solidaire). Son mandat sera de « définir les valeurs essentielles, une charte des droits sociaux, écologiques et économiques et la structure des institutions politiques nécessaires à la représentation du peuple québécois. Québec Solidaire y défendra l`option de réaliser la souveraineté du Québec » (programme Québec Solidaire). Les conclusions de cette assemblée constituante seront soumisses par voie de référendum et le peuple choisira ou non s`il adhère à ce projet de pays. Le peuple autochtone sera aussi inclus dans le processus et ils auront la possibilité de s`autodéterminer et leur droits ancestraux seront aussi reconnus. Québec Solidaire va aussi promouvoir le droit du Québec à la souveraineté auprès des autres pays sur la scène internationale.

Option Nationale (ON)

Le nouveau parti indépendantiste créé il y a quelques mois est le résultat d`un mécontentement et de découragements de plusieurs indépendantistes face au Parti Québécois de Pauline Marois et de sa gouvernance souverainiste. L`ancien député péquiste Jean-Martin Aussant est le chef d`Option Nationale et propose de rapatrier immédiatement les pouvoirs qu`il nomme L-I-T (lois, impôts, traités) en faisant en sorte que ce soit le gouvernement québécois uniquement qui adopte l`ensemble des lois sur son territoire, qu`il signe lui-même les traités internationaux qui le lie avec les autres nations et en instaurant un rapport d`impôt unique. Aussant l`avoue clairement ; le gouvernement fédéral va s`opposer à cette stratégie et Option Nationale se verrait dont dans l’obligation de faire adopter une Constitution québécoise qui serait adoptée par le peuple québécois et qui contiendrait une déclaration de souveraineté du Québec.

Pour ce qui est de la Constitution, Option Nationale insiste sur le fait que la participation du peuple québécois sera essentielle, ainsi que celle des experts dans leurs domaines respectifs pour que le plus grand consensus existe autour de ce projet. Pour Option Nationale, « cette constitution contiendra notamment une déclaration de souveraineté du Québec, de même que la reconnaissance des valeurs fondamentales telles que l`égalité hommes-femme, la justice sociale, le bien-être des ainés, la protection de la langue française, la laïcité des institutions et le respect rigoureux des principes du développement durable.

Analyse


Idéologies

Les 3 options présentées offrent des alternatives différentes pour arriver au même objectif ; la création du pays nommé Québec et qui aurait comme territoire la province du Québec. Il faut cependant comprendre que ses trois partis ont sur d`autres enjeux des idéologies complètement différentes et cela fait en sorte qu`ils n`attirent pas le même électorat. Historiquement, le Parti Québécois a souvent penché vers l`idéologie de centre-gauche pour se diriger vers le centre-droite depuis que Lucien Bouchard a été chef de ce parti. Le PQ étant une véritable machine électorale et qui se dit être une coalition de souverainiste de toutes les idéologies, a quelque peu perdu ses racines historiques pour tenter de plaire aux plus grands nombres d`électeurs possibles avec comme objectif principal de prendre le pouvoir. Le PQ compte dans ses rangs des gens de toutes les idéologies : gauche, centre, droite.

Québec Solidaire quant à lui est un parti plus récent sur l`échiquier politique et résulte d`une fusion entre l`Union des Forces Progressistes (Amir Khadir) et Option Citoyenne (Françoise David). Ce parti ne se cache aucunement pour démontrer son idéologie qui est véritablement de gauche dans la majorité des enjeux comme la santé, l`éducation, l`environnement, la justice sociale et ne se plie pas devant les élites et les médias de ce pays dans le but d`attirer une plus grande part de l`électorat. Québec Solidaire propose des solutions pour une équité sociale comme la gratuité scolaire, la nationalisation de nos ressources naturelles et l`amélioration de la Loi 101. Ce parti de gauche englobe et attire le monde communautaire à s`impliquer dans leur cause sociale au moyen de leurs nombreuses organisations communautaires, solidaires, féministes et syndicales. Et même si les membres de Québec Solidaire ont appuyé la résolution de souveraineté dans leur programme, il faut aussi comprendre que ce parti est composé aussi de fédéralistes qui se définissent de gauche et qui se reconnaissance dans Québec Solidaire même s`ils ne sont pas en accord avec tous les points du programme.

N`oublions pas Option Nationale qui vient tout juste de sortir ses première propositions en vus de son premier congrès qui aura lieu dans les prochains mois. Après une lecture attentive de ce préprogramme, j`en viens à la conclusion que ce nouveau parti indépendantiste en est un de centre-gauche, mais qui penche plus vers la gauche que le centre. Même si Aussant est un économiste de formation et qu`il croit au système capitaliste, la plupart de ses propositions tendent vers la gauche comme Québec Solidaire le propose avec la gratuité scolaire, un moratoire complet sur l`extraction des gaz de shales et la nationalisation des ressources naturelles. Même s`il s`agit d`un jeune parti, Option Nationale attire présentement une grande part des jeunes en bas de 30 ans et qui sont des « souverainistes purs et durs ». Aussant s`en dit très fier et il compte aussi sur l`appui de la députée et épouse de Jacques Parizeau, madame Lisette Lapointe, ce qui sous-entend que l`ex chef très populaire doit apprécier la création de ce nouveau parti. Pierre Curzi risque aussi fort de se joindre à l`aventure de ce nouveau véhicule pour la promotion de l`Indépendance du Québec.


Les meneurs

Pauline Marois est la députée de Charlevoix et la cheffe du Parti Québécois depuis 2007. Elle a débuté sa carrière politique pour le PQ en 1981 et elle n`a jamais changé d`étiquette politique, malgré quelques démissions après des courses à la chefferies infructueuses. Elle est la chef de l`Opposition officielle à l`Assemblée Nationale et son adversaire politique de toujours est la cause fédéraliste soutenue par le Parti Libéral du Québec.

Son plan de gouvernance souverainiste est vivement contesté depuis l`été 2011 et a mené à la démission de 5 députés péquistes et l`exclusion de 3 députés péquistes du caucus du PQ. Le Parti Québécois est à son plus bas dans les intentions de vote avec moins de 20% des appuis de la population, du jamais vu pour cette formation politique. Une véritable crise de leadership a lieu au PQ et personne ne peut prédire l`avenir, mais selon toute vraisemblance Pauline Marois devra démissionner prochainement sinon il risque d`arriver la même chose au PQ qu`au Bloc Québécois lors des élections fédérales de mai dernier. Gilles Duceppe serait probablement appelé en sauveur, mais une course à la chefferie devrait avoir lieu pour que l`ancien chef du Bloc ait toute la légitimité nécessaire pour relancer le parti de René Lévesque.

Amir Khadir est l`exemple parfait d`une intégration parfaite dans la société québécoise. Il est effectivement né à Téhéran en Iran et à une formation en physique et il est aussi médecin. Élu en 2008 dans Mercier sous la bannière de Québec Solidaire, il est le co-chef de son parti avec sa collègue Françoise David. Même s`il est seul à l`Assemblée Nationale sous la bannière de Québec Solidaire ce qui lui donne le titre d`indépendant, Amir Khadir a pourtant une voix qui résonne dans la politique québécoise. Il est au cœur de plusieurs enjeux ou la contestation citoyenne bat son gré comme dans les enjeux comme l`exploitation des gaz de shales, l`entente entre Pierre-Karl Péladeau et Régis Labeaume pour la construction d`un aréna, le Plan Nord et plusieurs autres. Il est souvent seul à dénoncer les injustices du système, ce qui montre souvent les faiblesses du Parti Québécois. Il est évident que la prochaine élection sera importante pour QS, mais il ne faut pas s`attendre à de grands miracles. Le parti de gauche fera élire quelques députés sans plus, mais leur ascension lente sera certainement profitable pour la population et la justice sociale.

Jean-Martin Aussant a aussi été élu en 2008 dans le comté de Nicolet-Yamaska sous la bannière péquiste. Il était le porte-parole en matière d`économie jusqu`à temps qu`il démissionne en milieu d`année 2011 lorsqu`il a constaté que le Parti Québécois n`avait plus véritablement la cause souverainiste comme objectif principal et que le parti était rendu trop électoraliste. Il a décidé de fonder un nouveau parti indépendantiste qui se nomme Option Nationale. Il est difficile de savoir quel impact aura ce parti car il est pratiquement censuré par les médias, mais il parait évident que ce nouveau parti attirera les jeunes indépendantistes et les déçu du Parti Québécois.

***

En conclusion, il est pertinent d`insister sur le fait que toutes ses options présentées dans cette analyse démontrent bien que l`option de la souveraineté est loin d`être morte et ce même si la majorité des médias-monopoles tentent de faire passer ce message en appuyant ouvertement la CAQ de Legault. Même si le « Oui » est présentement à 40% dans les intentions de vote, il ne faut pas oublier que les Québécois changent rapidement d`idées selon le contexte dans lequel ils sont. Il y a quelques années seulement avec l`arrivé de Boisclair comme chef du PQ, l`option du « Oui » avait dépassé le seuil des 50% alors l`arrivé de nouveaux acteurs politiques qui ont comme conviction l`indépendance du Québec ne peut que remettre le débat à l`ordre du jour politique et médiatique. Cependant il faut être conscient que la multiplication des partis qui sont pour la souveraineté divisera quelques peu le vote et qu`une sorte de coalition sera peut-être nécessaire pour s`assurer de bloquer le chemin aux fédéralistes du Parti Libéral et de la Coalition Avenir Québec.

Mon scénario parfait de coalition des forces souverainistes serait d`avoir une entente qui aurait comme principe d`avoir les idées indépendantistes du programme d`Option Nationale sous la bannière électorale du Parti Québécois avec Amir Khadir comme chef. De cette façon, le programme présenté par la Coalition en serait un vraiment indépendantiste, représenté par un parti avec une longue histoire et dirigé par un chef populaire et ethnique, les ingrédients seraient réunis !

Mikael St-Louis
30 novembre 2011