vendredi 9 mars 2012

L`affaire Duceppe

La séparation des pouvoirs est une caractéristique primordiale de notre système de démocratie représentative au Canada et au Québec. Au niveau politique, il y a séparation entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. Le législatif est représenté par la Chambre des Communes au fédéral et l`Assemblée nationale au provincial, qui eux sont composées de députés élus. L`exécutif est représenté par le Premier ministre et ses ministres qui sont nommés par le parti politique et qui a remporté les élections législatives. Le pouvoir judiciaire est confié aux juges qui doivent appliquer les lois du pays et de la Charte des droits et libertés. Il existe néanmoins d`autres pouvoirs qui peuvent influencer les gouvernements, notamment la société civile, les groupes de lobbys, les groupes de pression et les médias. Ici, nous étudierons principalement le pouvoir médiatique, ses conséquences ainsi que l’influence qu`il peut exercer sur le pouvoir politique. Il sera question du traitement médiatique que le journal et le site internet de La Presse a réservé à l`ancien chef du parti politique du Bloc Québécois, Gilles Duceppe, concernant les allégations que le parti politique aurait utilisé illégalement les budgets alloués par la Chambre des communes pour financer les activités parlementaires du Bloc Québécois. Pour ce faire, cette analyse présentera la source médiatique qui est La Presse et de son propriétaire Paul Desmarais. Par la suite, l`analyse sera portée sur le contexte dans lequel est survenu ce « scandale » et il y aura décortication de 8 articles parues dans La Presse pour comprendre le traitement médiatique fait sur ce dossier. Le tout se terminera par une conclusion où ma vision des évènements sera exposée.



Présentation de la source médiatique et de son propriétaire

 La Presse est un quotidien québécois qui est publié du lundi au samedi avec plus de 1 200 000 exemplaires vendus ou distribués par semaine. Il existe une version gratuite sur internet disponible auwww.cyberpresse.ca où l`on retrouve l`actualité ainsi que plusieurs blogues de ses journalistes. Sa date de fondation remonte aussi loin que 1884 et ses compétiteurs directs sont le Journal de Montréal et le Devoir. Comme la plupart des médias actuels, le journaliste d`enquête n`est pas priorisé dans ce journal et celui-ci mise plutôt sur des nouvelles reprises par des grandes associations de presses mondiales et sur des nouvelles d`actualités nationales. La Presse est néanmoins reconnue comme un quotidien de grande qualité qui a fait ses preuves d’éthique, de professionnalisme et de neutralité ; seule sa page éditoriale est reconnue comme étant pour le fédéralisme canadien et contre la souveraineté du Québec.

Son propriétaire principal se nomme Paul Desmarais et ce dernier est un fédéraliste convaincu et il se dit lui-même ennemi du mouvement souverainiste au Québec. Multimilliardaires, il est un des hommes les plus riches et les plus influents au Canada. Il est aussi propriétaire de Power Corporation, une entreprise qui se spécialise dans plusieurs domaines comme les médias, les services financiers et les pâtes et papier. Plusieurs critiques provenant d`autres médias lui reprochent ses liens étroits avec le monde politique et le monde financier ainsi que l`influence qu`il pourrait exercer sur certains politiciens et acteurs de la finance. Il est effectivement l`ami personnel de plusieurs décideurs, dont le Premier ministre québécois John James Charest, du président de la France Nicolas Sarkozy, de l`ancien Premier ministre canadien Jean Chrétien (la fille de Jean Chrétien est mariée avec l`un des fils de Paul Desmarais), du président de la Caisse de dépôt du Québec Michael Sabia, du président de la LNH Garry Bettmans et finalement, de l`ancien président des États-Unis Georges Bush. Il est aussi admis que Desmarais a un accès direct à tous les bureaux de Premier ministre, autant du niveau fédéral que provincial. Il fait aussi parti de nombreuses organisations dénoncées, telles le groupe Bilderberg et la famille Rockefeller.


Contexte 

La défaite du Bloc Québécois à l`élection fédérale du 2 mai 2011 a été un coup très dur à cette formation. En effet, sa députation est passée de 49 députés à seulement 4 députés et ce, même si le Bloc a reçu tout de même plus de 23% des appuis dans la province. Même le chef du parti, Gilles Duceppe, a été battu dans sa circonscription et il a aussitôt annoncé sa démission le soir du vote. Les analyses des politicologues ont été aussitôt d`annoncer que ce résultat signifiait principalement que l`option souverainiste n`intéressait plus réellement les Québécois et que ses derniers étaient exaspérés de participer à l`éternel débat sur cette question. Pourtant, les sondages indiquaient clairement que l`option demeurait aux alentours de 40% d`appuis, pourcentage qui prédomine depuis quelques années dans la province de Québec. De plus, une étude qui date de février 2012 commandée par le Premier ministre Harper tend à prouver ce point : « L’agitation politique qui a provoqué la vague orange aux dernières élections découle plutôt d’un ras-le-bol des Québécois à l’égard des politiciens que d’un naufrage de l’option souverainiste » (12).

Quelques mois plus tard, le Bloc Québécois se remettait tranquillement sur pied avec une course à la chefferie qui n`a pas soulevé les passions, chose qui se produit également dans la course à la chefferie du NPD, et a résulté à l`élection de Daniel Paillé comme nouveau président du BQ. Au niveau provincial, il y a eu la crise au Parti Québécois qui a mené à la démission et/ou le renvoi d`une dizaine de députés et ce pour plusieurs raisons. Certains comme Pierre Curzi, Lisette Lapointe et Louise Beaudoin ont quitté en fracas, car ils critiquaient la ligne de parti et la façon de diriger de la cheffe Pauline Marois. Jean-Martin Aussant a suivi en démissionnant principalement, car il ne croyait pas en la gouvernance souverainiste du PQ. Il a alors fondé un nouveau parti indépendantiste, Option Nationale. D`autres députés comme Benoit Charrette, François Rebello et Daniel Ratthé ont quitté le caucus du PQ pour se joindre au nouveau parti qui est la Coalition Avenir Québec et qui rejette toute option de souveraineté avant un minimum de 10 ans.

Le Parti Québécois se retrouvait alors en sérieuse difficulté et les sondages démontraient que le parti politique avait de fortes chances de vivre la même situation que le Bloc Québécois, c’est-à-dire, de perdre la grande majorité de ses députés au détriment de la CAQ, si une élection provinciale avait lieu. Le leadership de Pauline Marois était constamment remis en question et plusieurs militants, présidents de circonscription, députés péquistes et groupes internes exigeaient fortement la démission de la cheffe. Encore une fois, les politicologues discutaient de l`exaspération des Québécois face à la souveraineté, même si les sondages démontraient clairement que l`option restait au même niveau, malgré les intentions de vote du PQ qui étaient en chute libre à 21% d`appuis populaire en novembre 2011. Il faut donc comprendre que les intentions de votes pour la souveraineté ne sont pas directement liés au Parti Québécois et que plusieurs indépendantistes se retrouvent dans d`autres partis, comme Québec Solidaire, la Coalition Avenir Québec et Option Nationale. L`option souverainiste est donc plus populaire que le Parti Québécois et la chute des intentions de vote pour le parti n`affecte en rien l`option souverainiste (1) (2).

Au moment où le PQ semblait sur le point de perdre la majeure partie de ses appuis et que la CAQ se dirigeait vers un gouvernement majoritaire si des élections avaient lieu, un sondage Léger Marketing/Agence QMI (3) annonce que si Gilles Duceppe devenait le chef du Parti Québécois, celui-ci verrait ses appuis grimper dramatiquement, passant de 21% à 37%. Cela ferait en sorte que le PQ formerait un gouvernement majoritaire, loin devant la CAQ et le Parti Libéral. Le problème du PQ se trouverait donc à la chefferie et non au niveau de son idéologie souverainiste, comme le laissait présager les politicologues qui analysaient la situation depuis l`élection du 2 mai 2011.

Gilles Duceppe prend conscience de sa popularité et décide donc de tester ses appuis au sein du parti et fait savoir aux membres de sa garde rapprochée qu’il est désormais prêt à prendre la place de Pauline Marois si cette dernière décide de démisionner. Survient alors le scandale qui indique que Gilles Duceppe aurait contrevenu à la loi en payant « le salaire du directeur général de son parti, Gilbert Gardner, pendant sept ans à même le budget accordé par la Chambre des communes pour le fonctionnement de son cabinet à Ottawa » (4). Duceppe annonce alors qu`il renonce à prendre la tête du PQ pour rétablir sa crédibilité et prouver son innocence.


Analyse

 Commençons par analyser les titres utilisés par La Presse concernant ce dossier : « Fonds publics : Gilles Duceppe dans l`embarras », « Gilles Duceppe de nouveau éclaboussé », « Fonds publics utilisés à des fins partisanes : le Bloc pourrait devoir payer », « Attaqué, Duceppe lance la serviette », « L`affaire Duceppe », « Activités partisanes ne veut pas dire activités de parti, selon Comartin », « Qui a torpillé Duceppe ? » et « Affaire Duceppe : Paillé craint que ses adversaires veuillent faire la fête au Bloc »

Ce que je retiens principalement des titres employés par La Presse est définitivement la répétition constante du nom de Gilles Duceppe et le fait que ce média a décidé de nommer se pseudo-scandale « l`affaire Duceppe ». Il est intéressant de se questionner sur la pertinence de ceci car Duceppe était effectivement le chef de ce parti politique, mais il serait faux de prétendre qu`il s`occupait des questions financières et du suivi de la réglementation de la Chambre des communes. La Presse pointe directement l`ancien chef et non le parti politique et si il y a effectivement non-respect de la loi, cela serait plutôt au Bloc Québécois de répondre à ses accusations et non à l`ancien chef. Il suffit de retourner au scandale des commandites pour constater que ce n`est pas Jean Chrétien qui a reçu le blâme des accusations, mais bel et bien le Parti Libéral de Canada, pourquoi serait-ce différent dans ce cas précis ?

Continuons en analysant quelques phrases clés pris dans différents articles sur ce sujet : « Cette pratique violerait les règles de la Chambre des communes puisque les fonds qu`elle accorde aux élus doivent être utilisés pour financer les activités parlementaires et non pas des activités partisanes » (4)

« La légalité d`une telle pratique fait actuellement l`objet d`une enquête à la Chambre des communes » (5)

« Gilles Duceppe et le Bloc Québécois pourraient devoir rembourser les fonds parlementaires utilisés pour payer le salaire du directeur général du parti et d`une de ses conseillères » (6)

« En somme, si on juge la pratique autorisée par M. Duceppe sur la base des précédents et du standard éthique que le chef du Bloc imposait à ses adversaires, il ne fait pas de doute qu`il a commis une faute » (8)

Pour ce qui est de la première citation qui affirme, au conditionnel, l`illégalité commisse par le Bloc québécois, elle a été infirmée par le journal Le Devoir qui a simplement communiqué par téléphone avec un porte-parole responsable de cette question à la Chambre des communes. Ce dernier a confirmé qu`il existe effectivement un volet partisan aux règlements, contrairement à ce que La Presse affirmait. Évidemment, La Presse a omis de se rétracter et en a plutôt rajouter dans l`article du lendemain en affirmant que Duceppe « a puisé dans le budget de fonctionnement de son cabinet à Ottawa pour payer le salaire d`au moins un autre directeur général du parti » et « La légalité d`une telle pratique fait actuellement l`objet d`une enquête à la Chambre des communes » (5). Il est donc pertinent de se demander si les journalistes Joël-Denis Bellavance et Hugo De Grandpré ont communiqué avec la Chambre des communes pour confirmer leurs écrits ou si leur « scoop » reposait sur des rumeurs. Pour ce qui est de la troisième citation, il s`agit encore une fois d`une affirmation sensationnalisme non-fondée et non confirmée et qui inclus Gilles Duceppe et non seulement le BQ.

La dernière citation provient d`André Pratte, éditorialiste en chef du journal La Presse. Rappelons que le journal ne nie aucunement que son éditorial est pro-fédéraliste et contre l`idéologie souverainiste au Québec. Il est assez absurde de la part d`un journaliste d`expérience comme André Pratte de terminer son éditorial de cette façon. Il est certes conscient que notre système de justice ne fonctionne en aucune manière de la façon qu`il présente le cas et que si Gilles Duceppe se doit d`être jugé, ça ne sera certainement pas sur l`éthique mais bien sur des faits et des lois, ce qui démontre clairement un manque d`arguments flagrants.

Analysons maintenant les quelques rares moments où La Presse laisse entrevoir que les allégations contre le Bloc et Gilles Duceppe pourrait être remises en causes : « Une lecture rapide des règlements en question peut amener à conclure que ce n`est pas le cas. En effet, les fonctions parlementaires y sont définies comme comprenant les questions partisanes » (8)

« Même si les règles parlementaires sont interprétées par certains comme donnant raison à Gilles Duceppe » (9)

Sur les 8 articles concernant « l`affaire Duceppe », ses deux rares citations laissent entrevoir une possibilité que Gilles Duceppe pourrait être innocent. Il faut cependant noter que ses deux passages sont suivis de commentaires des autres partis politiques fédérales qui insistent pour dire que le Bloc a contrevenu aux règles et qu`une enquête de la Chambre des communes est en cours pour prouver la culpabilité de l`ancien chef du BQ.

Il faut aussi citer quelques passages où le Bloc et/ou Gilles Duceppe se défende d`avoir enfreint les règles de la Chambre des communes :

« Il (Duceppe) a affirmé que le Bloc n`avait rien à se reprocher et a soutenu que son parti avait toujours pris soin d`agir selon les règles. Il a ajouté que ses proches collaborateurs avaient sollicité l`avis des experts de la Chambre pour s`en assurer » (4)

« Oui, j`étais directeur du Bloc Québécois. Oui, comme M.Gardner, j`étais payé par le cabinet du chef du Bloc québécois en respectant les règles de la Chambre des communes qui ont toujours stipulé que le travail partisan faisait partie intégrante du travail de député a dit M.Marais » (5) « À titre de chef de cabinet, j`avais à prendre de nombreuses décisions budgétaires pour lesquelles je faisais les vérifications d`usage pour m`assurer de leur légalité a dit François Leblanc » (6)

Il faut donc comprendre que la position du BQ face à ce supposé scandale a été depuis le début d`affirmer qu`ils ont respectés les lois de la Chambre des communes et qu`ils ont été cherché l`avis d`experts externes à leur organisation pour avoir une seconde confirmation de la légalité de leurs actes.

Pour terminer cette analyse, voici quelques citations qui abordent la question du complot qui pourrait avoir eu lieu contre l`ancien chef du Bloc Québécois :

« Selon lui (Marc Laviolette), devant la réaction des partis politiques fédéraux à la controverse, il n`y a pas de doute qu`on vient d`assister à une nouvelle tentative d`assasinat politique par les fédéralistes. C`était le leader souverainiste le plus populaire au Québec » (7)

« C`était prévisible, les adeptes de la théorie des complots « gescaiens » accusent La Presse d`avoir sorti l`artillerie lourde pour torpiller Gilles Duceppe » (10)

« Selon M Paillé , les partis fédéralistes approchent cette affaire de manière très politique et partisane » (11)


En conclusion, il est normal d`affirmer que cette histoire mérite d`être étudiée par la Chambre des communes pour s`assurer de la légalité de la chose. Cependant il est tout de même assez suspect que ce scandale soit sorti médiatiquement à ce moment-ci de la carrière de Gilles Duceppe étant donné que le Bloc Québécois fonctionnait de cette manière depuis plus de sept années. Il serait absurde de penser qu`aucun autre parti fédéral n`avait pris connaissance de cette pratique étant donné qu`ils considéraient le BQ comme un ennemi naturel et que ce dernier avait sorti médiatiquement plusieurs scandales financiers qui les concernaient. L`acharnement que La Presse a mis de l`avant sur ce présumé scandale et sa réticence à se rétracter sur certaines informations fausses qu`elle avait publié peut porter à confusion sur l`éthique journalistique du journal dans ce dossier précis. Sans parler de complot, il serait très intéressant d`apprendre d` ou proviennent les sources de ce journal et plusieurs réponses pourraient être alors obtenues. Si la tendance se maintient, Gilles Duceppe sortira de ce dossier blanc comme neige et il pourra alors envisager de se présenter à la chefferie du Parti Québécois si Pauline Marois décide de démissionner.

Mikael St-Louis

mardi 7 février 2012

Le monde syndical au Québec



La lutte des centrales syndicales contre le patronat pour l`obtention de meilleures conditions de travail, de meilleurs salaires et beaucoup d`autres revendications se font depuis plus de deux-cents ans. Il faut cependant constater que les gains syndicaux ne se font pas seulement en pente ascendante et qu`ils subissent des pertes à certaines périodes de l`histoire et qu`il ne faut rien tenir pour acquis avec ces gains passés. La lutte constante que fait le mouvement syndical au nom du mouvement ouvrier est loin d`être terminé et de ce fait, l`idéologie syndical change et se transforme constamment pour pouvoir représenter le mieux possible ses travailleurs selon l`époque et le contexte. Un des gains important du mouvement syndical aurait été adopté en 1944 selon l`auteur québécois Jacques Rouillard, qui soutient dans son livre Le syndicalisme québécois : Deux siècles d`histoire, qu`avec la Loi des relations ouvrières, « les relations de travail passent alors du régime privé au domaine public et les syndicats deviennent davantage des institutions intégrées aux rouages de l`État » (Rouillard, 2004, p.99). Cette question sera abordée dans la première partie de cette analyse.

Dans la deuxième partie du texte, l`analyse sera faite en rapport avec la période de la Révolution tranquille, où la société québécoise et son État subissent de nombreux changements dans le but de débuter un processus de modernisation. Il faut cependant comprendre que la modernisation d`un État ne se fait pas du jour au lendemain et que, même si l`année 1960 représente celle du début de la Révolution tranquille, la société vivait de multiples transformations depuis quelques décennies. Un mouvement qui a fortement influencé le peuple pour l`amélioration de ses conditions de travail est véritablement le mouvement syndical. Deux auteurs seront étudiés, dont Rouillard encore une fois et Louis-Marie Tremblay.


Démonstration historique
Il faut remonter aux années 1800 et au début du mouvement syndical pour bien comprendre l`importance de ce sujet. Si le syndicalisme existe, c`est en conséquence à la Révolution industrielle et au mode de production qui a changé considérablement. Les premiers syndicats sont, avant les années 1880, des organisations très faibles, clandestines et leur existence est brève. Selon Jacques Rouillard, la période couvrant les années 1818 à 1900 est celle de la naissance et de l`affirmation des syndicats, tandis que la période 1900 à 1940 représente l`expansion du mouvement syndical et les années 1940 à 1960 représentent l`institutionnalisation des syndicats.

Les syndicats internationaux arrivent au Québec dans les années 1880 et domineront le paysage québécois et canadiens en peu de temps, ce qui s`explique sur leur modèle qui est basé « sur le regroupement des travailleurs par métier, ce modèle met l`accent sur la négociation collective avec les employeurs » (Rouillard, 2004, p.20). Les Chevaliers du travail ont tout de même été des acteurs importants dans le mouvement syndical québécois durant plusieurs années. Tout cela est aussi lié au réveil de la conscience politique de la société de l`époque. Il faut cependant noter que les conventions collectives sont loin d`être acceptées par les patrons et que seul une petite minorité d`entre- elles signent des ententes écrites.

Le début des années 1900 marque une croissance économique importante et les syndicats en profitent pour débuter leur expansion. La prospérité économique continue même durant la Grande Guerre, principalement dû par la demande de l`Europe en armement et en alimentation. Cependant, la fin de la guerre met fin aux exportations et le Québec connait un grave ralentissement économique. Le Québec devient urbain en 1921. La crise de 1930 est pire et le mouvement syndical en sort bien affaibli, car le chômage est très élevé et plusieurs n`arrivent tout simplement plus à survivre économiquement. Le libéralisme économique est alors critiqué et est constamment remis en question, ce qui amène les syndicats à prôner une idéologie plus à gauche idéologiquement. Il faut dire que les syndicats retrouveront leurs effectifs d`après-guerre seulement en 1936 alors que la croissance du syndicalisme s`effectue en parallèle avec le reste du continent nord-américain dû au fait que le Québec compte énormément de syndicats internationaux, représentés par plusieurs francophones qui y tiennent des postes de direction. Selon Rouillard, « pour les syndicats internationaux, l`action syndicale est une question purement économique à laquelle on ne doit pas mêler les questions religieuses, nationales ou politiques (Rouillard, 2004, p.44). Il faut donc résumer l`action syndicale de la première moitié du XXe siècle à des gains salariaux et à de meilleures conditions de travail.

Les années qui suivent sont moins bonnes pour le mouvement syndical québécois. En effet, Maurice Duplessis est élu mais ne tient pas ses promesses réformistes comme la nationalisation de l`hydro-électricité et d`un mélange de corporatisme politique. Il adopte d`ailleurs la Loi du Cadenas, qui consiste à contrer le communisme, mais qui est en fait pratiqué plus que souvent contre le mouvement syndical qui est associé, selon Duplessis, à l`idéologie communisme. Maurice Duplessis enlève même le droit de grève en 1939, mais perd le pouvoir à l’élection provinciale, pour le reprendre en 1944. Juste avant qu`il ne reprenne le pouvoir, le gouvernement d`Adélard Goudbout adopte la Loi des relations ouvrières qui est une progression marquée dans l`histoire du syndicalisme québécois.

Voici en quoi consiste cette loi :« elle oblige les employeurs à négocier de « bonne foi » avec les représentants des travailleurs lorsqu`au moins 60% d`entre eux désirent obtenir un contrat de travail collectif ; elle exige du syndicat son accréditation auprès de la Commission des relations ouvrières ; elle lui permet de représenter non pas seulement ses membres, mais la totalité des travailleurs de l`unité de négociation ; elle prévoit le recours obligatoire à la procédure de conciliation et d`arbitrage en cas d`échec des négociations et suspend le droit de grève et de lock-out durant cette procédure » (Rouillard, 2004, p.99)

Cela rend alors les lois du travail encore plus encadrées et permet aux syndicats de ne pas être éliminés lors des récessions économiques. Cependant un gouvernement antisyndical peut se servir de cette loi contre les syndicats dits trop radicaux.

Après quelques années noires sous Duplessis pour ce mouvement social, les Libéraux prennent le pouvoir en 1960 et font la Révolution tranquille, un processus de modernisation des structures sociales de la société québécoise. L`État devient plus interventionnisme et veut que les francophones deviennent maîtres de leur économie. En adoptant plusieurs mesures et directions comme la nationalisation de l`hydro-électricité et la création de plusieurs chantiers de constructions et d`infrastructures, cela créer de nombreux emplois dans le domaine public. Les syndicats en profitent et se radicalisent durant cette période.


2e partie : Le syndicalisme durant la Révolution Tranquille


Auteur 1 : Jacques Rouillard
L`auteur, pour bien comprendre la Révolution Tranquille, propose une démarche d`analyse historique et présente les évènements antérieurs à cette période pour cerner correctement le climat de l`époque ainsi que la réaction des principales centrales syndicales face à ces changements majeurs pour la société québécoise comme mentionné plus haut. L`écrivain définit la Révolution Tranquille comme étant « l`ensemble des réformes qui, de 1960 à 1966, ont pour objet d`aligner le Québec sur les autres sociétés nord-américaines » (Rouillard, 2004, p.142). En effet, Rouillard indique que la CTCC et la FPTQ se réjouissent de la défaite de Maurice Duplessis à l’élection de 1939, car ce dernier avait adopté plusieurs mesures antisyndicales lors de son premier mandat. Un mandat des libéraux et Duplessis reprend le pouvoir en 1944 et restreindra le champ d`activité et le pouvoir de négociation des syndicats jusqu`à sa mort en 1959. Son conservatisme lui fera adopter plusieurs mesures contre la grève et les troubles d`ordre social, ce qui est contraire à ce qui se passe dans le reste de l`Occident.

Selon Rouillard, une dynamique de changement s`installe au Québec lorsque Duplessis meurt et cède son pouvoir en 1959. Le gouvernement de Jean Lesage, élu en 1960, décide de réaliser un processus de modernisation des structures sociales de la société québécoise et plusieurs de ses mesures étaient réclamées depuis plusieurs années par les syndicats : « l`institution de l`assurance-hospitalisation, la réforme du système d`éducation et l`intervention active de l`État dans l`économie » (Rouillard, 2004, p.139). Il faut noter que l`auteur explique que les syndicats se réjouissent des nouvelles lois progressistes, mais en même temps, profitent des grands changements sociaux pour changer leur idéologie en mettant de l`avant un projet de société socialiste. Le gouvernement ne réalise pas de transformation radicale de la société et mise davantage sur la modernisation des structures politiques et sociales, tout en maintenant le capitaliste et le fédéralisme canadien.

Effectivement, les grands penseurs de cette Révolution Tranquille vont revoir le rôle de l`État, appuyer et favoriser le libéralisme, l`élargissement du rôle de l`État québécois et le développement du nationalisme québécois. Le professeur Rouillard indique que l`État accepte de prendre un rôle primordial dans les sphères économiques et sociales pour soutenir le modèle keynésien qui favorise la réduction des inégalités sociales, tout en ayant un rôle libéralisme pour l`économie. Il faut constater que les syndicats sont satisfaits de cette « revalorisation du processus démocratique » (Rouillard, 2004, p. 142) et le gouvernement leur donne un certain pouvoir en les nommant dans quelques organismes consultatifs du gouvernement et les syndicats en profitent pour influencer le gouvernement à syndiquer les fonctionnaires.

De plus, les centrales syndicales font des gains importants avec l`institution de l`assurance-hospitalisation et la création du ministère de l`Éducation qui enlève ce pouvoir à l`Église catholique. Lorsque le gouvernement annonce en 1963 la nationalisation de l`hydro-électricité, c`est une grande victoire pour la société québécoise et pour ses citoyens. Les centrales syndicales exigeaient cette démarche depuis quelques années déjà. Voici les autres grandes mesures ou lois que le gouvernement a adopté selon l`auteur : « la création de la Société générale de financement (1962), l`établissement de la Société québécoise d`exploitation minière (1964), l`institution de la Caisse de dépôt et de placement (1964) » (Rouillard, 2004, p.144). Tout cela engendre le progrès social, la propriété collective des ressources naturelles et la laïcité de l`État. Cependant, la bureaucratie retarde le processus et il y a certes un retard entre le discours et la réalité, ce qui amène les syndicats à se radicaliser sur les questions ouvrières. Jacques Rouillard écrit que les principales centrales syndicales se radicalisent à partir des années 1966 et souhaitent intégrer l`État du Québec au service de la société. Les effectifs des syndicats continuent de progresser durant les décennies 1960 et 1970 et ce, principalement grâce aux employés des secteurs publics et parapublics qui se syndicalisent à cette époque et augmentent le taux de syndicalisation.

Finalement Rouillard termine son explication sur la Révolution Tranquille en affirmant que « la libéralisation des lois du travail inaugure une nouvelle ère dans les relations de travail au Québec, permettant l`expansion de la syndicalisation et une amélioration sensible de la condition des travailleurs salariés (Rouillard, 2004, p.145).


Auteur 2 : Louis-Marie Tremblay
Louis-Marie Tremblay qualifie l’évolution du syndicalisme dans la Révolution tranquille d’hasardeux. Pour bien comprendre le phénomène, il faut se poser la question, est-ce que le syndicalisme a évolué depuis le début de la Révolution tranquille ? L’auteur définit cet évènement comme étant une symbolique prise de conscience populaire, une extension de certaines libertés démocratiques, une reformulation des objectifs et des priorités socio-économiques de la communauté d’où a découlé une tentative de redéfinition de la fonction gouvernementale. Il n’y a aucun doute que ces transformations ont eu des incidences directes sur l’action syndicale. M. Tremblay va tenter d’une part, d’examiner l’action syndicale dans la perspective particulière de certaines initiatives spécifiques de l’État dans la Révolution tranquille, et d’autre part, de dégager la définition et l’évolution de l’action syndicale. Ses remarques seront fondées sur ses observations personnelles, sur quelques rares documents existants et sur une recherche de 1964-1965.

L’auteur mentionne que la Révolution tranquille a été marquée entre autre par une redéfinition de la fonction étatique et du rôle du gouvernement qui a touché le syndicalisme à la fois comme mouvement d’intérêt et comme corps intermédiaire, d’une part, en matière de législations ouvrières et d’autre part, à l’égard du rôle social et du rôle économique du gouvernement.

La Révolution tranquille a été relativement bien accueillie, car elle promettait la libération économique et sociale. Après de nombreuses années de noirceur, le monde du travail perçoit la Révolution comme une occasion de réaliser certains objectifs de promotion socio-économique de l’homme au travail et la possibilité de construire la société sur des bases plus humanistes et plus démocratiques. Cependant, très tôt, certains ont eu l’impression que la Révolution tranquille s’essoufflait et ne progressait plus assez rapidement. Des groupes sociaux croient qu’elle ne va pas assez loin. On reproche au gouvernement de ne pas donner assez de place au syndicalisme dans l’élaboration des mesures de protection de la santé publique et on fait la même constatation dans tous les autres secteurs.

L’enthousiasme du début s’est donc transformé et la critique et le scepticisme font leur apparition. Ainsi, le syndicalisme prend ses distances avec l’État et reprend son rôle d’opposition. Il critique sévèrement le système économique et politique et est un grand revendicateur tant sur le plan social que sur le plan économique.

La participation syndicale au pouvoir politique augmente puisque les organisations syndicales n’étant plus écartées du pouvoir sans raison comme dans le passé. Les gouvernements et les syndicats ont pu maintenant se rencontrer dans des contextes beaucoup plus sereins. Cependant, l’auteur constate que la participation syndicale dans le pouvoir politique n’est pas vraiment significative et même si cela ne semble pas une grande victoire, les mouvements syndicaux en ont profité pour faire valoir leur position idéologique. Ils peuvent maintenant s’adresser directement à l’opinion publique sans craindre de représailles juridiques.

En matière ouvrière, la Révolution tranquille constitue une nette rupture avec le passé. Durant la grande noirceur, les avancées en matière syndicales sont à peu près nulles. Cependant, avec le Bills 54 et la Loi de la fonction publique, le travail organisé a obtenu une extension importante de la liberté d’association et par là, du pouvoir réel de négociation collective, en particulier au sein de la fonction publique et dans les services publics. Ainsi, le syndicalisme a largement bénéficié de cette situation nouvelle, en particulier la CSN dont les effectifs ont doublé de 1960 à 1966. Malheureusement, il s’agit ici d’un succès mitigé. Les salariés ne peuvent pas jouir pleinement de leurs droits d’association.


Convergences / divergences
Tout d`abord, les deux auteurs utilisent une démarche d`analyse historique pour bien identifier leur méthode d`argumentation. Rouillard et Tremblay expliquent la période antérieure à la Révolution tranquille, la Grande Noirceur, comme étant une époque de retard sur le reste de l`Occident et les syndicats se réjouissent du changement de gouvernement, car celui de Jean Lesage était plus ouvert à la négociation et acceptait de nouvelles mesures sociales. Les deux auteurs constatent la dynamique de changement du gouvernement, tant au niveau économique, politique et social. De plus ils définissent la période en question, la Révolution tranquille, de façon assez similaire. En effet, ils indiquent que cette période en est une de rupture avec le passé et de valorisation du processus démocratique, tout en expliquant que l`État élargit sont rôle au sein de la société.

Aussi, Rouillard et Tremblay indiquent que les centrales syndicales se réjouissent des gains importants en matière syndical et social apportés par la Révolution tranquille. Du côté syndical, les auteurs nous apprennent que leurs effectifs augmentent de façon significative durant cette période et que les syndicats sont représentés dans plusieurs domaines de la société ou ils n`étaient pas représentés auparavant. Comparativement au passé, les syndicats obtiennent la liberté d`association, et par là le réel pouvoir de la négociation collective. Côté social, les syndicats sont plus que satisfaits, car plusieurs de leurs demandes sont acceptées par le gouvernement, dont l`assurance-hospitalisation, la nationalisation de l`hydro-électricité et la création du Ministère de l`Éducation. Comme dernière convergence, les deux auteurs abondent dans le même sens quand ils expliquent que la Révolution tranquille aura aussi apporté au Québec, le sentiment de nationalisme.

Les divergences sont moins nombreuses, mais elles sont tout de même présentes. Tout d`abord Rouillard indique que la Révolution tranquille aura comme conséquence la radicalisation des effectifs syndicaux, principalement grâce à la lourde bureaucratie qui laisse un écart énorme entre les discours et la réalité. Du côté de Tremblay, il indique plutôt que les centrales syndicales en profitent pour élargir leurs effectifs et amasser des fonds et bénéfices plutôt que de vivre une phase de transformation radicale. Une autre divergence que les auteurs apportent est la participation syndicale au pouvoir politique. Rouillard et Tremblay avouent que le rôle des syndicats augmentent, mais Tremblay explique que cela n`est pas vraiment significatif. Contrairement à Rouillard, qui indique que les syndicats font partie du rouage de l`État.


En conclusion et avec tous les éléments mentionnés plus haut, il est difficile de pleinement adhérer à Jacques Rouillard lorsqu`il affirme dans Le syndicalisme québécois, deux siècles d`histoire qu`avec la Loi des relations ouvrières, que « les relations de travail passent alors du régime privé au domaine public et les syndicats deviennent davantage des institutions intégrées aux rouages de l`État » (Rouillard, 2004, p.99). En effet, Rouillard lance cette affirmation sans en expliquer vraiment le fondement de sa pensée. De plus, il ne définit qu`à l`occasion les concepts qu`il utilise et souvent il n`est les définit points. Cela a comme conséquence que son argumentation est souvent insuffisante. Il faut noter que premièrement les lois qui encadrent les relations de travail passent effectivement au domaine public, mais que le régime privé conserve néanmoins le droit à l`arbitrage et que le patronat doit négocier de bonne volonté, mais veut obtenir la meilleure entente possible pour lui. De plus, la loi est un atout pour le mouvement syndical, mais ces derniers demeurent des organisations indépendantes, dans le sens qu`il n`est pas au service de l`État. Pour ce qui est de la période qui couvre la Révolution Tranquille, il faut noter que du côté syndical, cette période en a été une de radicalisation et de revendication de plus en plus grande. Il faut noter que les conditions de travail des travailleurs se sont améliorées dans la plupart des secteurs et que le niveau de vie des salariés syndiqués augmente. Il est vrai que le gouvernement de Lesage a répondu à de nombreuses demandes des Québécois et du mouvement syndical, dont la nationalisation de l`hydro-électricité et une assurance-maladie universelle, mais il serait exagéré d`affirmer que les centrales syndicales ont dicté leur idéologie au gouvernement. Nous sommes présentement dans une période où les centrales syndicales sont diabolisées par la Ministre Thérriault et la grande majorité des médias québécois. Demeurons vigilants et n`oublions pas que les gains syndicaux peuvent se perdent très rapidement face au contexte de capitaliste sauvage dans lequel nous vivons !

Mikael St-Louis

Bibliographie

ROUILLARD, Jacques. Le syndicalisme québécois, deux siècles d`histoire, les Éditions du Boréal, Montréal, 2004, 333 p.
ROUILLARD, Jacques. L’expérience syndicale au Québec : Ses rapports à l’État, à la nation et à l’opinion publique. Montréal, VLB Éditeur, 2009. 385 p. http://www.erudit.org/revue/uhr/200...
TREMBLAY, Louis-Marie. L’évolution du syndicalisme dans la révolution tranquille, Relations industrielles / Industrial Relations, vol. 22, n° 1, 1967, p. 86-97. http://id.erudit.org/iderudit/027758ar

lundi 30 janvier 2012

Peuples autochtones : différenciation régionale et évolution constitutionnelle

Les peuples autochtones vivent depuis des millénaires sur le continent américain et réussissent à survivre dans un milieu physique assez rude pour ce qui est du climat, de la végétation et des animaux sauvages. Pour se développer de façon à contrôler un continent avant l`arrivée des Européens, il est admis que ces hommes et femmes étaient organisés en groupements et formaient ainsi plusieurs sociétés. Il est vrai que reconstruire l`histoire amérindienne est assez complexe en raison du peu de vestiges retrouvés, soit quelques artefacts et écofacts. La reconnaissance des droits des autochtones, aussi bien au niveau fédéral que provincial, est une lutte interminable depuis plusieurs décennies et les relations n`ont pas toujours été positives. Il faut cependant noter que les gouvernements québécois des dernières années travaillent de plus en plus en collaboration avec les premiers peuples pour les impliquer et reconnaître leurs droits juridiques et territoriaux. Ghislain Otis a écrit un article sur ce sujet et son but est de faire « ressortir la nécessité immédiate, pour la majorité des Québécois, de renoncer à un réflexe historique de subordination constitutionnelle des autochtones ».



Dans La géographie structurale dynamique à la rencontre de l`archéologie, de l`anthropologie et de l`ethnohistoire écrit par Gilles Ritchot, l`auteur examine les Amérindiens d`Amérique du Nord pour analyser « la différenciation régionale des établissements autochtones du Canada oriental à la période des contacts, la signification des mobilités spatiales qui prévalaient en l`occurrence, notamment en rapport avec la dispersion des Iroquoiens du Saint-Laurent pendant la seconde moitié du XVIe siècle » (Ritchot, 1998, p.41).

Pour ce faire, Ritchot explique au lecteur que la discipline qu`il utilisera pour démontrer son hypothèse est la géographie structurale dynamique et qu`il ne peut utiliser plusieurs autres types de géographies comme la géographie historique ou classique car elles sont insuffisantes pour plusieurs raisons, dont le fait que les preuves archéologiques sont insuffisantes pour reconstituer la géographie humaine des établissements autochtones. La géographie structurale dynamique utilise les conclusions de l`archéologie, de l`anthropologie et de l`ethnohistoire avec comme but d`étudier les rapports entre les Amérindiens et le milieu naturel dans lequel ils vivaient et de reconstituer le plus fidèlement possible, sans preuves écrites, les établissements autochtones de cette époque.

Tout d`abord, Ritchot explique que la géographie classique aborde la problématique du rapport entre l`homme et la nature. La discipline explique que pour s`établir, l`homme se doit de fournir un effort pour avoir une prise sur la nature et ainsi exploiter les ressources présentes avec des équipements spécialisés et avec des techniques que l`homme peut reproduire. Il y a alors formation de groupements humains et ceux-ci s`installent où les ressources sont abondantes, ce qui créé des centres, périphéries et un pouvoir politique pour contrôler l`échange de ces ressources.

Par la suite, la spécialisation des techniques de chaque groupe implique la création de régions culturelles distinctes car les petites sociétés se démarquent les unes des autres par le milieu naturel qu`elles exploitent. Cette spécialisation aurait comme conséquence un déséquilibre entre les surplus et les pénuries de chaque société et obligerait ces dernières à faire des échanges avec ses voisins pour écouler ses surplus et combler les pénuries. Cela engendrait, après la création des régions culturelles, la création de régions économiques et d`une administration gouvernementale entre les Amérindiens du Canada oriental. La création de ces deux types de régions créera « l`apparition d`établissements lourds destinés à la régulation des flux économiques » (Ritchot, 1998, p.43). L`auteur cite de nombreux exemples dont celui que les « échanges auraient été inéluctables, afin que les horticulteurs des basses terres aient accès au gibier et que, réciproquement, les chasseurs des hautes terres aient accès au maïs » (Ritchot, 1998, p.43). Cependant, il faut préciser que ces sociétés étaient rivales et que certaines sociétés amérindiennes agissaient de façon neutre et devenaient ainsi des pôles économiques ou transigeaient et s`échangeaient de nombreux produits.

Gilles Ritchot continue en expliquant comment est la vision de la géographie structurale pour ce qui est de l`établissement humain des autochtones : « Ces valeurs profondes (anthropologiques) sont investies spatialement sous le coup d`un interdit universel de propriété ; cet interdit se traduit en trajectoires qui engendrent les positions d`un espace géographique anisotrope […] ; ces positions sont différentiellement valorisées par la rente ; enfin les occupations matérielles ont pour but […] de racheter la valorisation économique des positions » (Ritchot, 1998, p.44).

Ensuite, l`auteur définit les concepts de nomadisme et de sédentarité avec la définition de la géographie classique et il affirme que cette définition est dépassée. En effet, la géographie structurale explique que le nomadisme « sélectif » contrôle leur mobilité et celles des nomades « résiduels » et que la mobilité des sédentaires est contrôlée par les deux types de nomades. Il continue en affirmant que « l`évolution naturelle du nomadisme doit déboucher sur une sédentarisation culturelle » (Ritchot, 1998, p.46).

Ritchot en vient ensuite au cas des Iroquois de la vallée du St-Laurent. Il explique que la position de la géographie structurale qui défend l`idée d`un vacuum, un interdit d`établissements humains sans frontières apparentes, expliquerait la dispersion des Iroquois à cette époque. En effet, l`arrivée de l`homme blanc et le commerce de troc qu`il engendra avec les Amérindiens aurait eu comme conséquence la création d`un vacuum dans la vallée fertile du Saint-Laurent. Les Iroquois de l`État de New York se donnaient le rôle de gardien des interdits fondamentaux et voulaient contrôler les échanges commerciaux. Pour arriver à leur but, ces Amérindiens auraient saccagé les établissements de tous les habitants de la vallée du Saint-Laurent afin de contrôler le marché des échanges. Plusieurs meurtres auraient aussi été commis pour obliger les Iroquois installés dans cette région à quitter définitivement. L`auteur continue en expliquant différentes théories qui expliqueraient la disparation de ce peuple comme les épidémies, une petite ère glaciaire, l`épuisement des sols ou le génocide, mais il les réfute tous. Il explique que les Iroquois de l`État de New York ont vidé ce territoire d`humains sans les remplacer par un autre peuple ; cela prouve que ces gardiens des lieux sacrés ont instauré un vacuum à la vallée du Saint-Laurent. Ce lieu serait en quelque sorte une vallée symbolique et prouve l`hypothèse d`une régulation politique de la mobilité.


(2e partie) Évolution constitutionnelle


L’héritage colonial
Si le Québec est un pays riche et développé en 2010, c`est en grande partie grâce à l`exploitation des abondantes ressources naturelles que le territoire fournit à ses occupants et gouvernements. Que ce soit le bois, les rivières, les matières premières ou le sol, l`homme blanc a exploité la terre comme aucun homme ne l`avait précédemment fait auparavant et cela avec une « marginalisation systématique des collectivités indigènes qui avaient de tout temps occupé et contrôlé, à leur manière, le territoire ». Lors des premiers textes de lois, les gouvernements en place avaient pour simple objectif d`assimiler les premiers peuples en les annexant de façon non violente à la communauté présente. Cela représentait de faibles coûts et le plan pour la création de réserves dans le but de les sédentariser à été mis en place très rapidement. Avec ces Amérindiens dans les réserves, les gouvernements pouvaient exploiter de vastes territoires vierges.


L’ébauche d’une nouvelle relation
Même si les relations vont en s`améliorant aujourd`hui entre les deux peuples, cette ère « positive » a pourtant débuté par une querelle. Lors de la décennie des années 1970, le gouvernement québécois était en pleine expansion dans son réseau hydroélectrique et il est arrivé à la Baie-James dans le but d`y développer le potentiel hydraulique, sans s`entendre avec les Cris qui y demeuraient. Cet affront a été l`élément déclencheur et les « mandataires du gouvernement du Québec ont suscité des poursuites judiciaires et une mobilisation autochtone qui allaient inaugurer une ère de revendications politico-juridiques à l’origine du bouleversement récent des rapports constitutionnels entre les autorités étatiques et les premières nations ».

Les gouvernements avaient estimé que l`"autochtonie" était sur un déclin au début du XXe siècle et ils n`avaient plus trouvé essentiel de mettre à jour leurs vieux traités. Les Autochtones ont donc été en Cour suprême et cette dernière confirma « la persistance des droits ancestraux des autochtones là où ces droits n`avaient pas été validement éteints ». Ce fut une grande victoire pour les Amérindiens et leur pouvoir à la table de négociation, au moment où le gouvernement avait le plus de convoitise pour cette ressources naturelle, fut beaucoup plus grand.

Au lieu d`adopter la position de dominateur et de se confronter avec les autochtones, les dirigeants de l`époque ont été les principaux acteurs dans l`élaboration d`un nouveau genre de traité qui apportait la reconnaissance, une logique de coexistence et le respect pour leurs aspirations et leurs différences. Ils ne les reconnaissent cependant pas encore comme une communauté politique et historique autonome. Ainsi, les Cris autorisèrent les gouvernements à exploiter les ressources hydrauliques en échange de droits exclusifs ou prioritaires sur d`immenses territoires. Il y a aussi début de pourparlers sur les questions environnementales avec les peuples qui vivent dans le Nord québécois, mais cela est fait à petite échelle.


Une jurisprudence de l’interdépendance
Même si la victoire des Cris devant la Cour suprême semble donner d`énormes pouvoirs et droits aux autochtones, le plus haut tribunal estime que son rôle « est d’accommoder les droits historiques des autochtones sans récuser la souveraineté des institutions étatiques considérée comme un acquis intangible de la colonisation ». Cela veut dire que les pouvoirs veulent trouver des terrains d`entente entre les deux parties en les encourageant à la négociation, mais aussi que les autochtones ne se voient pas confier officiellement en tant que nation la majorité du territoire québécois. Il faut cependant comprendre que le gouvernement est aussi « menotté » et qu`il ne peut occuper à sa guise le riche territoire et qu`il en est le seul propriétaire. La Cour a aussi statué, pour éviter des revendications exagérées, que ces société amérindiennes font aussi partie d`une communauté sociale, politique et économique plus large qu`est le Canada.


Vers une alliance postcoloniale ?
Les autochtones sont reconnus officiellement par le niveau fédéral, mais pas encore au niveau provincial. Si la tendance se maintient, c`est véritablement ce qui pourrait se produire et cela entraînerait une nouvelle vague de traités qui seraient favorables aux deux parties et encourageraient un "projet novateur de vivre-ensemble". Si le projet continue de la sorte, il pourrait s`agir d`une véritable révolution dans l`histoire de notre pays car ce dernier « renoncerait sans arrière-pensée à sa posture historique de puissance. Un tel rapport est en réalité impossible dans l’ordre juridique canadien actuel qui tient pour inaltérable la souveraineté étatique et pour irréfutable le pouvoir des gouvernements de contraindre, au besoin, les peuples autochtones dans l’exercice de leurs droits constitutionnels. » Pour donner un exemple de ce que le gouvernement envisage, les Innus seraient sur le point de s`entendre sur la reconnaissance de leurs droits ancestraux à l`autonomie gouvernementale sur un territoire défini selon la loi. Il pourrait s’agir d`un véritable partage de pouvoir qui ouvrirait certainement la voie à d’autres nations. Le plus gros litige est bien entendu les négociations sur le partage du pouvoir en raison de l`impact que cela pourrait engendrer sur l`ordre socio-économique. Les terres attribuées aux Innus seraient séparées en deux classes. La première partie consisterait en un territoire où serait enlevée la tutelle du gouvernement et où seraaient encouragées les premières nations à investir des capitaux pour des fins de développement économique. Le deuxième territoire serait plus vaste et il serait légal de faire des « prélèvement des ressources à des fins alimentaires, sociales, rituelles et, dans certains cas, d’échange de subsistance. Sans exclure a priori les activités de prélèvement des non-autochtones sur le même espace foncier, les droits des autochtones seraient prioritaires ». L`auteur insiste sur le fait que si un tel projet est véritablement approuvé et mis de l`avant, les non-autochtones devront faire une grande remise en question du statu quo.


En conclusion, les principaux jugements émis par la Cour suprême permettent aujourd’hui d’affirmer que les autochtones possèdent des droits ancestraux, dont la grandeur exacte reste à définir, sur d’importants territoires du Québec n’ayant jamais fait l’objet d’un traité réfutant ces droits. Selon l`auteur de l`article, les relations et le dialogue ne feront que s`améliorer entre le gouvernement et les premières nations, peu importe l`avenir constitutionnel de la province. Il ajoute que les Québécois « devront reconnaître le rôle fondateur des autochtones dans la configuration de nos destinées fatalement communes. La société majoritaire est en train d’opérer, à cet égard, un virage parfois douloureux et les autochtones devront reconnaître la difficulté d’un tel changement de paradigme ». On peut donc dire que des défis s`imposent dans les deux clans pour un meilleur avenir collectif et durable. Pour la première partie du texte, il faut conclure que les Iroquois de l`État de New York ont consciemment créé une vallée symbolique en interdisant le peuplement humain dans la vallée du Saint-Laurent afin de « contrôler politiquement le nouveau commerce en voie de s`implanter dans cette direction » (Ritchot, 1998, p.49). Ces Iroquois y voyaient un énorme intérêt et ils tenaient à garder le contrôle sur les populations autochtones pour ce qui est des questions économiques et politiques. Cet interdit de la vallée symbolique aurait servi à distancer les différents acteurs amérindiens, politiquement et physiquement, et aurait ainsi créé de l`altérité et des conflits entre l`Iroquoisie et les nations algonquiennes et huronnes. Ritchot termine en affirmant que la géographie structurale propose de nouvelles théories crédibles, qui rendent compte d`un plus grand nombre de faits.


Mikael St-Louis


Bibliographie
Ritchot, Gilles. La géographie structurale dynamique à la rencontre de l`archéologie, de l`anthropologie et de l`ethnohistoire, Recherches Amérindiennes au Québec, Vol. XXVIII, No 2, 1998, p.41-50

mardi 24 janvier 2012

La guerre de Sept ans et ses conséquences sur la Nouvelle-France

La guerre de Sept ans, premier véritable conflit mondial, a énormément influencé les divers peuples qui y étaient impliqués, et ce de façon directe ou indirecte.




En Amérique, la guerre de la Conquête qui s`est déroulée de 1754 à 1760 est l`extension de la guerre qui se déroulait en Europe et qui opposait la France à l`Angleterre. Les peuples américains étaient donc exposés directement à cette guerre car cela se passait sur leur territoire et ils devaient en subir les conséquences. Il est intéressant de se questionner à savoir comment une guerre européenne a pu influencer le mode de vie et les relations des colonies françaises en Amérique et comment les individus touchés ont réagi à cet évènement des guerres de la Conquête et de Sept ans. Mon hypothèse à cette problématique serait que les habitants de la Nouvelle-France ont accepté et se sont adaptés rapidement aux changements imposés pour continuer à simplement vivre leur vie de subsistance.


Les puissances impliquées
La guerre de Sept ans s`est déroulée lors des années 1756 à 1763 et a impliqué plusieurs nations. Les principaux adversaires étaient la France et l`Angleterre, ainsi que la Prusse qui s`opposait à l`Autriche. En raison des nombreuses alliances et de la participation de plusieurs colonies à ce conflit, la plupart des pays d`Europe et les principaux pays d`Amérique s`affrontaient dans ce que l`on peut qualifier de premier véritable conflit mondial de l`histoire de l`humanité. Lors des débuts de la guerre de 1756, les alliances se forment et dictent ainsi les opposants. La Prusse et la Grande-Bretagne s`unissent contre la France, l`Autriche et la Russie et une fois les alliances signées, la
guerre débute.


Enjeux de la guerre
La guerre est devenue générale en très peu de temps et l`Europe se bat sur plusieurs fronts au même moment. En Europe, la principale zone de conflit se situe en Silésie pour l`obtention de son contrôle. La Prusse a conquis ce riche territoire peuplé en 1742 et la reine Marie-Thérèse de Habsbourg veut tenter tous les moyens pour reprendre cet important espace.

En Amérique, « les colonies d`Amérique deviennent l`un des enjeux les plus importants. Ainsi, les conflits coloniaux, englobés dans la guerre de Sept ans, la transforment-elle en une guerre d`Empire et une guerre de Conquête » (Mathieu, 2001, p.246). Les colonies françaises qui couvrent l`immense territoire du Canada, de la Louisiane et de l`Acadie sont opposées aux colonies anglaises qui sont entassées sur les rives américaines de l`Atlantique. Les colonies américaines commencent à ressentir le besoin de peupler les terres pour soulager leur forte pression démographique, mais les colonies de la Nouvelle-France sont collées sur elles. L`Angleterre veut gagner et elle prend de grands moyens dès le début du conflit. En effet, « elle adopte un plan à la fois politique, financier et militaire. Elle intensifie son effort de guerre au maximum […] en profitant de l`intérêt des coloniaux de treize colonies britanniques pour les riches territoires du Nord » (Mathieu, 2001, p.247). Aussi, le premier ministre anglais Pitt obtient 25 fois plus de crédits de son Parlement, quatre fois plus de bateaux de guerre et cinq fois plus d`hommes que la France pour la guerre. En Amérique, la différence du rapport de force est encore plus grande alors que la population des colonies anglaises se chiffre à environ 2 millions contre quelque 60 000 habitants en Nouvelle-France. La situation de la Nouvelle-France, au début de cette guerre, est donc très précaire : « au total, un territoire immense, difficile à protéger, un peuplement de très faible densité, des ressources naturelles en abondance, mais encore peu exploitées, font face à des colonies densément peuplées, regroupées sur un territoire restreint qu`elles voudraient élargir et jouissant d`une économie diversifiée et dynamique » (Mathieu, 2001, p.247)


L`élément déclencheur
La Vallée de l`Ohio est un point stratégique pour la France : « la vallée permet aux Français de relier les Grands Lacs à la Louisiane et aux coureurs des bois britanniques d`avoir accès au bassin des fourrures des Grands Lacs. Les Britanniques s`y approprient les terres fertiles et les adversaires y construisent alors des forts .Le commandant français Joseph Coulon de Jumonville et 30 de ses compatriotes, qui construisaient un fort, sont tués lors d`une embuscade menée par une équipe anglaise. Les Français ont largement protesté car ils étaient sous la protection d`un drapeau blanc et avaient un statut d`émissaires. Celui qui a ordonné ce massacre est nul autre qu`un des fondateurs des États-Unis, George Washington ! Selon Anderson, le geste de Washington était planifié et il avait des objectifs précis en tête :
« Destiny has long credited Washington with touching off the imperial conflagration between Britain and France as the militia commander who fired on the French forces of Joseph Coulon de Villiers de Jumonville camped at an undistinguished glen in disputed territory near the forks of the Ohio River in 1754. Anderson’s account, however, achieves complexity and depth not in what has traditionally been assigned to Washington’s youthful indiscretion, but to the highly intentional murder of the wounded Jumonville by Tanaghrisson, a native Catawba and adopted Seneca. The murder was a calculated, if desperate, attempt to assert Iroquois sovereignty over the Ohio Country and its native inhabitants by implicating the British in a deed that by Indian standards would require retribution and bring the empire into alignment with Iroquoian visions of territorial conquest. »
Les Français envoient alors un groupe de 500 hommes pour capturer Washington et ils réussissent à le faire prisonnier au fort Necessity. Obtenant des aveux de la part de Washington, les dirigeants français décident de le libérer peu de temps après sa capture. Ce dernier, prétextant avoir signé des textes rédigés en français et ne comprenant pas le véritable sens des écritures, récusa ses aveux. La Nouvelle-France aurait pu changer le cours de l`histoire en ne libérant pas cet homme au grand destin...


Montcalm au désespoir
Les Français le savaient, ils n`avaient pas de véritables chances de remporter cette guerre en sol américain. Montcalm est pessimiste : « 1759 sera pis que 1758. Je ne sais comment nous ferons » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.11) et le ministre de la Marine de la France lui demande le minimum possible : « l`objet principal que vous ne devez pas perdre de vue doit être de conserver du moins une portion suffisante de cette colonie, et de vous y maintenir pour pouvoir se promettre d`en recouvrer la totalité à la paix » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.11).

Montcalm demandait des renforts et la France l`abandonna presque. Il reçut l`aide de 400 hommes, alors que le général armé en demandait plus de 8000 supplémentaires. Le ministre de la Marine répondit simplement à Montcalm qu` : « on ne cherche point à sauver les écuries quand le feu est à la maison » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.11), ce qui démontre bien que la France n`avait pas inclus la Nouvelle-France dans ses priorités et que son sort lui importait peu. De plus, le 8 mars 1759, Montcalm note dans son journal : « On peut regarder ce pays-ci, et conséquemment la Louisiane, comme perdus pour la France, à moins d`un miracle inattendu ou d`une paix » (Lacoursière et Quimper, 2009, p.12) ce qui démontre clairement qu`il sait que la défaite est inévitable et que les dés sont joués. Cependant, un point de vue de l`historien Cormack démontre que l`effort maritime de la France a souvent été minimisé :
« The struggle between France and Great Britain during the Seven Years War took place not only in Europe and the colonies but on the high seas. If British sea power assured the conquest of New France, the French navy’s role in this global conflict has often been minimized or misunderstood. » .

Les Iroquois participent à la guerre
Même si cette population amérindienne en est une de guerriers, elle ne souhaitait pas la guerre de Sept ans et souhaitait simplement vivre en paix avec ses voisins blancs. Les colons de la Nouvelle-Angleterre envahissent de plus en plus les territoires des Iroquois, surtout dans la vallée de l`Ohio. Cette guerre est cruelle pour cette population ; « De 1753 à 1760, cette guerre assombrit terriblement la vie des Iroquois du Canada. Chaque habitant de chacun des villages iroquois en est marqué d`une façon ou d`une autre » (Macleod, 1996, p.9). Cette guerre détruit leur économie et leur mode de vie et le conflit est à l`origine d`une importante épidémie de variole au sein de cette communauté. Même si ces Amérindiens ressentent le besoin d`aider leurs alliés français par solidarité : « ils se battent pour s`acquitter de leurs obligations d`alliés des Français plutôt que pour faire valoir leurs propres intérêts nationaux » (Macleod, 1996, p.10), ils ne sont pas d`accord avec la manière de faire la guerre des européens et font une guerre parallèle avec leur stratégie : « Ils guerroient aussi à leur façon , sans accorder d`importance particulière aux tactiques et aux aspirations militaires de leurs alliés » (Macleod, 1996, p.10).

Leurs tactiques guerrières ont créé d`inévitables tensions car les guerres européennes ne se déroulaient pas de cette façon. Les Français aussi n`approuvaient pas toujours les techniques amérindiennes, même si cela leur a permis de remporter quelques victoires de plus. La guerre a alors pris une autre tournure et était perçue « comme une série d`affrontements d`ordre culturel entre les valeurs et les coutumes militaires amérindiennes et européennes » (Macleod, 1996, p.10). On peut affirmer aujourd`hui que les différentes nations du monde moderne utilisent les bases des coutumes militaires amérindiennes. Lors de la fin du conflit, les Iroquois ont délaissé les Français pour protéger leurs propres intérêts en négociant une alliance avec les Britanniques.


La déportation des Acadiens
Cet évènement a marqué l`histoire du Canada. Les Acadiens sont des francophones catholiques qui sont sous le contrôle britannique depuis le traité d`Utrecht de 1713. Ils sont neutres depuis plusieurs années dans les conflits entre Français et Anglais et ils ont toujours refusé de prêter le serment d`allégeance au roi d`Angleterre. En 1755, un débarquement de 1800 soldats se produit en Acadie et les soldats confisquent la totalité des armes des citoyens. Le gouverneur de la Nouvelle-Écosse exige de nouveau le serment et la population le rejette de nouveau.

Quelques mois plus tard, les soldats arrêtent massivement les hommes et les embarquent dans des bateaux. On embarque ensuite les femmes et les enfants dans le but de les déporter. En tout, ce sont entre 8000 et 10 000 Acadiens qui seront déportés pour donner les meilleures terres à des colons de la Nouvelle-Angleterre. On tente de les éparpiller au peu partout dans les 13 colonies dans le but de les assimiler, mais la plupart des colonies les refusent ou en font leurs prisonniers. Les autres sont envoyés en Angleterre dans de vieux bateaux. Ceux qui survivent au voyage vivront dans des conditions misérables en Angleterre et seront traités comme des prisonniers de guerre. Lorsque le traité de Paris est signé à la fin du conflit, le roi Louis XV rembourse la dette des prisonniers acadiens et rapatrie environ 850 de ces francophones. Sur une population d`environ 12 000 Acadiens,
environ 8000 vont mourir de 1755 à 1763, principalement dû à la déportation et ses conséquences.


La chute de la Nouvelle-France
La bataille des Plaines d`Abraham est l`événement qui a conduit à la chute de la Nouvelle-France. Selon l`encyclopédie Universalis, c`est la
« bataille décisive de la guerre de Sept Ans, sur son théâtre d’Amérique du Nord, au terme de laquelle les Britanniques, placés sous le commandement du major général James Wolfe, vainquirent les Français, placés sous le commandement du marquis de Montcalm ». (1)
Depuis la chute de Louisbourg, la ville de Québec est le principal objectif militaire des Anglais et ces derniers tentent le grand coup. Toujours selon l`encyclopédie, « Wolfe prit la tête d’une force britannique de deux cent cinquante navires qui transportaient huit mille cinq cents soldats de métier » (1) et les installa aux portes de Québec. La ville, fortifiée naturellement, résiste plus de deux mois et les généraux français ont espoir que les Anglais demeureront pris dans la glace durant l`hiver, ce qui causerait inévitablement leur défaite. Malheureusement pour Montcalm, les Anglais trouvèrent une brèche dans la falaise le 12 septembre 1759, et le lendemain Québec et Montcalm tombaient sous les coups de feu des troupes de Wolfe. Les deux généraux, Wolfe et Montcalm, sont morts lors de cette célèbre bataille qui mènera les Britanniques à la capitulation du Canada : « Cette bataille entraîna la chute de Montréal l’année suivante et la victoire finale britannique ». (1)


La transition
De 1760 à 1763, les Britanniques ont occupé militairement le territoire de la Nouvelle-France car la guerre de Sept ans n`était pas terminée en Europe. Du côté des habitants, ils souhaitent que la Conquête soit renversée lors des négociations de paix et que le territoire retourne au roi de France. Même si les conquérants disposent d`un pouvoir absolu, ils exercent néanmoins leur pouvoir avec une certaine sympathie face aux conquis.

La guerre laisse des traces et la population est affamée. Le nouveau gouverneur du territoire, James Murray, pose des gestes pour aider la population et distribue de la nourriture. De plus, les militaires anglais respectent la tradition française et on garde la même structure hiérarchique.
Il y a cependant trois irritants majeurs ; Le serment d`allégeance, le désarmement de la population et les nouveaux dirigeants refusent de remplacer l`évêque qui vient de mourir. La Nouvelle-France se retrouve donc sans chef spirituel, mais garde tout de même sa langue et la religion.


Le traité de Paris
En 1763, est signé le traité de Paris par les puissances impliquées (la France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal) et ce traité, avec celui d`Hubertsburg, met fin à la guerre de Sept ans et la victoire est donnée sans équivoque à l`Angleterre et à la Prusse. Ce traité est signé en Europe. Selon Universalis, l`Angleterre en retire de nombreux avantages : « Tenue en échec sur le continent mais victorieuse sur les mers, l’Angleterre accepte à Paris un statu quo territorial en Europe occidentale, qui se révélera durable, pour mieux s’imposer comme la première puissance coloniale » (2). La France cède tous ses territoires coloniaux en Amérique du Nord, mis à part les petites îles de St-Pierre et Miquelon.


La guerre se poursuit dans les Caraïbes
Avec la défaite des Français en Amérique du Nord, les Anglais décident de continuer leur quête de territoires en attaquant les Caraïbes. Dès 1759, les Britanniques se procurent un endroit stratégique en capturant l`île de Guadeloupe. L`offensive armée anglaise continue et, malgré l`entrée en guerre de l`Espagne aux côtés de la France, réussit à conquérir les territoires de l`île de la Dominique et de la Martinique. En 1762, « l’ensemble des Caraïbes est maintenant entre les mains britanniques avec des pertes plus dues à la maladie qu’aux combats » (Wikipédia) .

Les Français tentent une dernière fois de reprendre quelques territoires en vue des négociations de fin de guerre, mais leurs offensives échouent et le continent nord-américain est désormais entre les mains des Anglais.


En conclusion, cette guerre mondiale a touché et influencé bon nombre de nations et de populations durant ses sept années de guerre. Seulement en Amérique du Nord, les Français, les Anglais, les Canadiens, les Acadiens, les colons anglais des treize colonies et les Amérindiens se battaient . Cette guerre était une extension de celle qui se déroulait en Europe, même si on peut affirmer que plusieurs des principales batailles importantes se sont déroulées en Amérique.
Pour revenir à mon hypothèse qui était que les habitants de la Nouvelle-France ont accepté la défaite et se sont adaptés rapidement aux changements imposés pour continuer à simplement vivre leur vie de subsistance, elle n`a pas été infirmée ni confirmée. Cependant, on peut constater que les habitants de la Nouvelle-France ne se sont pas soulevés contre le nouveau régime et que les nouveaux dirigeants ont aidé cette population conquise à survivre et à produire. De ce fait, même si cette guerre s`est déroulé en Amérique, les colonies sont des extensions de territoires européens et ont donc combattu dans une guerre européenne avec les moyens financiers de l`Europe et cela a entrainé les conséquences que l`on connaît.


Mikael St-Louis


Bibliographie

François Lebrun, L’Europe et le monde, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, 2002, 352 pages.

Jacques Mathieu, La Nouvelle-France, les Français en Amérique du Nord, XVIe – XVIIIe siècle, Québec, Les Presses de l`Université Laval, 2001, 271 pages.

Guy Frégault, La guerre de la Conquête 1754-1760, Québec, Éditions Fides, 2009, 514 pages.

Jacques Lacoursière et Hélène Quimper, Québec ville assiégée 1759-1760, Québec, les éditions du Septentrion, 2009, 267 pages.

Peter MacLeod, Les Iroquois et la guerre de Sept ans, Toronto, VLB éditeur, 1996, 275 pages.
(1) Bataille de Québec, Encyclopédie Universalis, Page consultée le 10 avril 2010, http://www.universalis-edu.com/arti...
(2) Vincent Gourdon. Traité de Paris, Encyclopédie Universalis, Page consultée le 11 avril 2010, http://www.universalis-edu.com/arti...

William S.Cormack, The French Navy and the Seven Years ‘War, French history, Vol 20 Number 4, p.467-468, http://fh.oxfordjournals.org/cgi/co...

Fred Andersson, The war that made America : A short history of the French and Indian War, Ohio Wesleyan University, 2005, p. 98-100, http://www.uqo.ca:2071/ehost/pdf?vi...
Le projet ambitieux du Curé Labelle




Avec plus de 7 milliards d`être humains vivant sur la planète en ce début du XXIe siècle, l`humanité est au prise avec un problème de surpopulation et cela engendre plusieurs problèmes. De plus, la population n`étant pas répartie également et principalement concentré dans de grands centres urbains, certains pays comme la Chine et l`Inde doivent même instaurer un maximum d`enfant par couple pour contrer cette montée démographique sans précédant. Cependant plusieurs pays profitent, en quelque sorte, d`une faible population et leurs populations jouissent ainsi d`un plus grand espace vital et c`est le cas du Québec. Si le Québec présente une faible population (environ 7 000 000 d`habitants pour un territoire six fois plus grand que la France), cela se comprend très bien par les nombreux échecs de colonisation qui se sont produit au début de son histoire lorsqu`elle se nommait Nouvelle-France.

Le visage du Québec que l`on connait aujourd`hui avec ses 17 régions administratives est le produit d`une autre tentative de colonisation, dirigé à ses débuts par le curé Antoine Labelle. À l`époque, le Québec était principalement concentré sur les rives du fleuve St-Laurent et il devenait nécessaire pour que la province se développe de trouver d`autres terres vivables pour les nouveaux arrivants ou les nombreux enfants des québécois. La colonisation de certaines régions se sont fait très rapidement et ce thème amène une problématique grandement intéressante ; est-ce que la colonisation du curé Antoine Labelle avait pour but l`expansion démographique et géographique du Québec ou plutôt avait comme but d`exploiter les ressources naturelles du territoire. Mon hypothèse serait que le curé Labelle avait comme principal objectif l`expansion démographique et géographique pour renforcer la place de la religion catholique en Amérique, mais que ceux qui l`appuyaient avaient comme objectifs de s`enrichir avec les ressources naturelles.


Définition
Avant de débuter, il faut bien situer le contexte et le sens du mot « colonisation » pour la province du Québec. Selon Dussault , cette colonisation consiste au : « défrichement de territoire couverts de forêts, leur aménagement en vue de leur mise en valeur agricole et de l`exploitation de leurs diverses ressources, leur peuplement et leur organisation en paroisses canoniques et en municipalités civiles » (Dussault, 1983, p.7) Bref, il faut conquérir le territoire avec sa force humaine et le peu de ressources et d`aides que les colons possédaient à cette époque représentait un véritable défi. La population, toujours grandissante, ne pouvait plus vivre dans les vieilles seigneuries qui bordaient le St-Laurent et c`est au cours de cette période qu`il y eu d` importantes vagues migratoires vers l`intérieur de la province et du pays. Il y eu six régions qui se sont principalement développées du à ce mouvement de masse ; Les Cantons de l`Est, le Saguenay, la Mauricie, la Gaspésie, le Témiscaminque et le nord-ouest de Montréal (Laurentides et l`Outaouais). La religion était omniprésente dans ce projet et voici une citation du sociologue français Gauldrée-Boileau , qui était sur place su Saguenay en 1861, qui le prouve bien : « On voit les prêtres explorer eux-mêmes la contrée, choisir et désigner les endroits qui semblent les plus favorables à l`établissement de nouveaux centres de population et prêcher d`exemple en s`y installant eux-mêmes ». (Dussault, 1983, p.9) En effet, les religieux vivaient cette expérience comme une véritable mission et un des
principaux architectes de la construction du Québec est le curé Antoine Labelle.



François-Xavier Antoine Labelle
Le curé Antoine Labelle fait véritablement partie des bâtisseurs du Québec et à l`époque, il était considéré comme un héros et plusieurs mythes sur sa vie ont largement circulé dans l`imaginaire québécois. Il est né en 1833 à Ste-Rose de Laval et il est mort à l`âge de 57 ans dans la ville de Québec. Les historiens savent très peu de choses sur sa jeunesse, toute sa famille étant illettré et vivant dans une petite cabane de bois. Pour plusieurs historiens, dont Dussault, Labelle est dans une catégorie « inclassable » car il est à la fois un prêtre, un homme d`État, un homme politique et aussi un colonisateur. Il fût d`ailleurs surnommé le Roi du Nord lors de ses missions de colonisation. Il a fait des études en théologies au Grand séminaire de Montréal et débute sa vocation de curé dès l`année suivante. Lors de son arrivé à St-Jérôme en 1867, après un « épuisement », il s`implique dans sa communauté pour combler ses nombreux besoins. Il milite activement pour la construction d`un chemin de fer vers le Nord pour tenter d`enrayer l`émigration massive vers la Nouvelle-Angleterre. Il s`est principalement illustré comme promoteur de la colonisation de la Vallée de l`Outaouais. Cet homme est imposant par nature. Du haut de ses 6 pieds et de ses 330 livres, il incarne la force et le désir de réussir et surtout, il prouve que sa mission de colonisation est le but de sa vie et que rien d`autre ne peut le distraire. Par exemple, il plaide pour la construction du chemin de fer à St-Jérôme et au-même moment, ses biens et ses meubles sont saisis et selon les témoins, « il affiche un détachement personnel absolu de tout ce que les« hommes convoitent d`ordinaire si ardemment » (Dussault, 1983, p.200).

Il est souvent vu comme un non-conformiste au sein de l`Église catholique. Cette réputation est essentiellement tiré de sa vie politique et de sa lutte acharnée contre le courant de pensé ultramontain. Il fait définitivement partie des prêtres qui sont à vocation libérale. Un de ses grands rêves consistait à « une reconquête francophone et catholique de tous les territoires du Nord du Canada compris entre Montréal et Winnipeg par l’établissement d’une chaîne continue de colonies » (l`Encyclopédie Canadienne). Selon l`ouvrage de Gabriel Dussault, le rêve de Labelle consistait à une utopie de reconquête du territoire et d`indépendance par une stratégie pacifique et légale d`expansion territoriales. Il eut une carrière politique, qui s`est mal terminée, et cela sera abordé plus tard dans cette analyse.


Les voyages avant la colonisation
Les terres que le curé Labelle et son compagnon Ididore Martin ont choisies ne recèlent pas du hasard. Ils ont exploré auparavant les grandes forêts, à pied ou en canot, et s`est ainsi qu`ils décideront des emplacements des futures localités. Le curé Labelle découvre ainsi les principales ressources des régions et la topographie du terrain et il décide d`installer ses même localités près de rivières ou de cours d`eau. Une des techniques de Labelle pour s`assurer que ses choix soient respectés, « il les marque en y faisant planter une croix par son compagnon et en inscrivant dans une entaille […] place d`église ; je réserve deux lots pour la fabrique ». (Dussault, 1983, p.183)

Dès la construction des premières routes, Labelle recrute ses premiers colons dans son village de St-Jérôme et ses alentours. Cependant Labelle ne donnes pas de fausses illusions à ceux qui tenteront l`aventure et il les avertit bien que n`est pas colon qui veut : « Pour suivre cette carrière, il faut être courageux, ferme dans ses convictions, robuste et façonné d`avance par une vie dure et pénible aux travaux des champs ou bien être un artisan dont le métier a toujours exigé un fort exercice corporel. La femme doit être d`une constitution vigoureuse et initiée à tous les secrets de la vie agricole. Sur une terre neuve, la femme vaut l`homme par son travail et son industrie » (Dussault, 1983, p.184).

 Les colons qui acceptent ce défi sont principalement issus de deux groupes ; il s`agit soit d`ouvriers, soit des fils de cultivateur qui ne peuvent plus vivre sur la terre familiale dû au trop grand nombre de subdivisions. Ses deux groupes de gens ont comme point commun leur extrême pauvreté. On peut donc comprendre que ceux qui tentait l`aventure ne le faisait pas par choix, mais plutôt par obligation pour simplement survivre et ne pas s`exiler aux États-Unis et ainsi trahir sa religion et sa langue.


Les ressources ou les buts
L`agriculture est une conséquence directe de la colonisation. Tout d`abord c`est principalement dû au manque de terre fertiles sur les berges du St-Laurent que la colonisation du territoire commence, et c`est aussi un objectif de vivre de l`agriculture une fois les nouvelles terres défrichées. Lors du 19e siècle au Québec, l`agriculture est le secteur économique qui occupe le grand nombre de Québécois (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.129) et une idée populaire de cette époque est que les Canadiens-français ont une vocation agricole. Le fait que le sol québécois est très propice à ce mode de vie et très fertile (il ne faut qu`une saison pour récolter ce que l`on a semé, tandis qu`en Europe cela peut prendre plus de huit mois à certains endroit). Cependant, les technique agricoles causent un certain problème et les Québécois ne retirent pas le maximum de ce qu`il pourrait retirer. Selon Linteau, Durocher et Robert, « les défauts principaux de ce système, sont : (1) le manque de rotation appropriée dans les semences ; (2) le manque ou la mauvaise application des engrais ; (3) le peu de soin donné à l`élève et à la tenue du bétail ; (4) le défaut d`assèchement dans certains endroits ; (5) le peu d`attention donnée aux prairies et a la production de légumes pour la nourriture des troupeaux ; (6) la rareté des instruments perfectionnés d`agriculture » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.131-132). Dans les années qui suivirent, l`agriculture évolua et d`autres cultures vont apparaitre au Québec comme la pomme de terre, l`avoine, la production laitière et l`élevage d`animaux. C`est alors que le projet de la colonisation arrive et que l`agriculture sera liée à son succès. Le curé Labelle veut y fonder des paroisses, car ses dernières ne seront pas uniquement au service de la religion, mais deviendra « l`institution de base de la société rurale et même de la société québécoise » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.136). Le but du clergé est de garder le Québec dans une société ou l`église aurait encore une place importante et la société resterait ainsi rurale.


La réalité du secteur forestier
L`objectif principal des dirigeants de la colonisation consistait à ce que le colon arrive sur sa terre donnée, la défriche en quelques années pour s`y installer une petite ferme et cultiver pour sa subsistance. Cependant la réalité est très différente ; le bois constitue un véritable marché et la conjonction des éléments qui poussent les colons à travailler dans ce secteur sont énormes. Premièrement le colon n`a pratiquement pas de tâches à accomplir l`hiver comparativement à l`été. Deuxièmement la pauvreté du sol ne permet pas de faire des profits et le relief n`est pas toujours idéal pour y faire de l`agriculture. Troisièmement les deux secteurs sont liés ; « l`exploitant forestier a donc besoin du colon, qui lui fournit la main d`œuvre à bon marché et la nourriture pour les chantiers. Le colon de son côté a besoin de l`exploitant forestier, car il lui fournit un revenu d`appoint indispensable et un marché pour ses produits agricoles. » (Linteau/Durocher/Robert, 1989, p.141). Comme le Québec est déjà capitaliste à cette époque, c`est l`industrie dominante (forestière ici) qui impose son rythme et ses lois sur son secteur dépendant (l`agriculture). C`est donc dire qu`il est arrivé souvent que lorsque la coupe de bois était terminée dans cette région, le colon décidait de suivre les compagnies forestières et devenait alors un bûcheron. Le secteur forestier deviendra alors le produit qui sera le plus exporté et occupera une partie importante dans l`économie québécoise et ce, jusqu`à aujourd`hui.


Les mines
Un secteur moins important que les deux derniers mais qui occupent une très grande place est celui des mines. Le curé Labelle est convaincu que le sol du territoire québécois regorge de richesse de tout genre avec des métaux comme l`or, l`argent, le cuivre et le fer. Il tente de convaincre certaines entreprises de venir exploiter le sol et d`investir dans certaines régions, mais les investisseurs se font rare. La découverte de plusieurs mines de fer dans les Laurentides ouvre cette région à la colonisation et le secteur prend peu à peu son envol. Même si cette région pourrait concurrencer la vallée de l `Outaouais pour le secteur forestier, Labelle préfère y investir dans le secteur des mines pour tenter d`y installer un mode de vie sédentaire et ne pas uniformiser le développement de l`industrie minière.


Le curé Labelle, pour ou contre les villes ?
Même si Antoine Labelle est un homme de Dieu, il n`en reste pas moins qu`il est un homme moderne et qu`il ne reste pas accroché au passé. Durant les 23 années de son règne de curé à St-Jérôme, il voit sa ville s`industrialiser et s`urbaniser très rapidement et il souhaite même en faire une grande ville. L`augmentation des manufactures à St-Jérôme fait vider les campagnes avoisinantes de cette ville. Il y a plusieurs moulins à farine, des scieries, des manufactures de tweeds et de chaussures et aussi une de papier. Labelle se rend évidemment compte qu`il y a des conséquences au niveau de l`emprise de la religion sur le peuple, mais malgré quelques protestations de sa part sur les mœurs de la ville, il veut à tout prix que le développement se poursuivre. D`ailleurs le journal Le Nord écrit dans une de ses éditions : « le jour n`est pas loin sans doute où M. le curé Labelle verra se réaliser ses prévisions et apparaître à ses yeux cette ville de St-Jérôme tant rêvée pleine de commerce et d`industrie, d`où le mouvement et la vie devront rayonner jusqu`aux derniers cantons du Nord ». (Dussault, 1983, p.113)


Les chemins de fer
Pour arriver à ses ambitieux objectifs, le curé Labelle y voit la nécessité d`y construire un chemin de fer reliant le Nord à St-Jérôme. Il se battra plusieurs années pour avoir raison de cause et il rêve que son royaume du Nord soit relié d`une extrémité à l`autre. Après sa mort, le journal anglais The Gazette reconnait que la construction de voies ferrées représentera peut-être l`article le plus important de son vaste projet (Dussault, 1983, p.118). Voici deux petite anecdotes qui illustrent bien l`obsession que le curé Labelle accordait à ses routes sur rails : « voudra qu`il (Labelle) ait une fois commis le lapsus d`imposer à l`un de ses pénitents de faire un chemin de fer plutôt qu`un chemin de croix. […] On raconta également […] que son supérieur hiérarchique crut devoir lui rappeler […] que les voies du Seigneur ne sont pas des voies ferrées » (Dussault, 1983, p.118). Antoine Labelle ne passe pas par quatre chemins pour expliquer son point de vue : « Les États-Unis vont vite parce qu`ils colonisent en chemins de fer tandis que nous, nous colonisons en charrette » (Dussault, 1983, p.118). Un commentaire assez étonnant de la part d`un membre de l`Église qui affirme que le modèle américain est une voie à suivre. Cependant, le « scandale du Pacifique » de John. A. McDonald ralentira le projet, mais Labelle continuera de se battre plusieurs années et verra plusieurs voies ferrées être construites.


Vraiment agriculturisme ?
L`idéologie de l`agriculturisme consiste à une idéologie de conservation. Il s`agit en résumé de vivre de sa terre dans un monde strictement rural et d`un rejet des progrès technologiques, industriels et du monde moderne. Le clergé québécois a certes véhiculé et imposé cette idéologie pendant un certain nombre d`années, mais pas le curé Labelle. D`ailleurs plusieurs prophètes de l`industrialisation du Québec comme Parent et David ont par ailleurs été des fervents défenseurs du mouvement colonisateur et encourageait les colons à exploiter le territoire et s`y installer pour qu`un jour, ce grand territoire devienne industriel. Drapeau , qui étudia la colonisation à cette époque, évoque même dans un rapport qu`il constatait « un facteur de développement rapide des entreprises industrielles et envisageait l`avenir du Canada comme celui d`un grand peuple agricole et manufacturier ». Bref, il est difficile de dire si l`agriculturisme était directement lié au projet colonisateur car plusieurs acteurs de ce mouvement se contredisent idéologiquement. L`objectif était peut-être l`agriculturisme, mais le résultat fût particulièrement différent et on peut même affirmer que la colonisation a contribué à ce que la province de Québec devienne moderne.


La propagande
Antoine Labelle était vraiment un homme moderne. Il a su profiter de la faveur de l`opinion publique pour faire pression sur ceux qui détenaient le pouvoir, les gouvernements. Premièrement cet homme était un orateur de premier plan et il utilisait abondamment la propagande orale. À cette époque le meilleur moyen de rejoindre le plus de population possible était lors de rassemblement populaire afin d`y faire passer son message. Le Roi du Nord était curé et disposait donc d`un auditoire nombreux et cela quotidiennement ! Avec sa fonction, il détenait certes un pouvoir d`autorité. Il engagea aussi un curé qui voyageait de paroisse en paroisse pour faire de la propagande. Labelle n`hésitait même pas à lancer de fausses rumeurs pour manipuler en quelques sortes les populations : « Il fera répandre le bruit que les gens de Saint-Jérôme se préparent à aller prendre en masse les lots de certains cantons ; la nouvelle court comme une traînée de poudre ; les habitants de Sainte-Agathe, par une émulation bien légitime, pour ne pas se laisser couper l`herbe sous le pied, se jettent dans les dits cantons ». (Dussault, 1983, p.220)

Deuxièmement Labelle use de la propagande écrite de façon indirecte. Il n`écrit que deux petites brochures sur la colonisation, mais le journal local de St-Jérôme, le Nord, suit et rapporte ses faits et gestes de façon très régulière et le journal peint souvent le portait de cet homme de façon grandiose.

Troisièmement il achète lui-même quelques cantons pour montrer que lui aussi s`implique de façon directe dans ce projet.

Quatrièmement il veut frapper l`imaginaire québécois. Dans un contexte où il luttait pour obtenir une subvention de 1 000 000 $ de la part de la ville de Montréal pour la construction du chemin de fer Montréal/St-Jérôme, il profita de l`hiver rigoureux. En effet, alors que Labelle avait comme principal argument que ce chemin de fer pourrait transporter de grandes quantités de bois vers les centres de Montréal, il profita de la montée ridicule du coût de la corde de bois pour arriver en ville avec 60 cordes fournies par les habitants de St-Jérôme pour aider les pauvres à se chauffer. Il gagna
instantanément la faveur de l`opinion publique (Dussault, 1983, p.222).

Finalement il utilisa aussi les manifestions comme moyen de pression. Il a réussi à réunir 3000 personnes dans la petite municipalité de Sainte-Adèle. Si on ne parle pas des plans de chemins de fer du curé Labelle pendant un instant, sa stratégie de colonisation repose sur deux types d`organisations d`encadrement ; la paroisse et la communauté religieuse. Il veut utiliser ses deux types d`organisations pour arriver à son rêve.


L`implication de la bourgeoisie
Plusieurs autres personnes, excluant les communautés religieuses, sont aussi intéressées à ce que le nord soit colonisé. C`est le cas de plusieurs avocats, hommes politiques et de membres de la bourgeoisie professionnelle. Leurs motivations ne sont pas toujours évidentes à saisir. Pour certains, « ils trouvent le moyen de rehausser leur réputation d`être au service du bien commun, et partant, de maintenir ou d`accroître leurs chances politiques » (Dussault, 1983, p.153). Pour l`autre groupe cependant, des intérêts financiers joueraient en leurs faveurs : « il semblerait aussi que les postes de directeurs qu`ils détiennent fréquemment dans la compagnie locale de chemin de fer les incitent, dans les intérêts même de la compagnie, à favoriser le peuplement de la mise en valeur de la région » (Dussault, 1983, p.153). Il est donc difficile de trancher à savoir leurs véritables intérêts, mais au moins ils se sont impliqués et sans eux le projet aurait été beaucoup plus difficile à réaliser.


L`échec d`Antoine Labelle
Au début de l`année 1891, l`écrivain Arthur Buies écrit : « soudain tout s`écroule. Un mot arrive de Rome qui brise le rêve et l`âme de l`apôtre, et lui-même, qui sent qu`il n`a plus qu`à mourir, reçoit avec grâce la mort qui vient à son appel » (Dussault, 1983, p.190). Ce genre de phrase, nous ne les rencontrons pas souvent dans l`histoire d`Antoine Labelle. Gabriel Dussault explique que l`histographie a de la difficulté à reconnaître que le projet d`un si grand héros pour notre province se termine par un échec. Même la religion catholique vit un malaise devant se déchirement entre Rome et Labelle, car se dernier ne se cachait pas pour avouer que cet échec le menait directement vers le désespoir et la mort. Labelle écrit lui-même une lettre de démission au Premier Ministre Mercier, qui la refusa : « À présent il ne me reste plus qu`à me retirer de mon poste et d`aller m`abriter, en silence, sous le drapeau de la colonisation et du mérite agricole […] en faisant les vœux les plus sincères pour la prospérité du pays et son avancement matériel et religieux » (Dussault, 1983, p.290).

Cet échec se résume à une guerre interne entre Labelle et Fabre, son archevêque. Fabre ne peut tolérer que Labelle et Mercier communiquent directement avec Rome sans passer par lui et il exige la démission de Labelle au poste de sous-ministre. Le Pape Léon XIII fait savoir qu’il souhaite que le curé Labelle reste au ministère, mais Mgr Fabre maintient sa décision, estimant que son autorité est en jeu. Envoyé par Mercier, le curé Labelle se rend à Rome pour plaider sa cause. Fabre réplique en dénonçant le libéralisme de Mercier et celui de Labelle. En juin 1890, Rome désavoue l’archevêque de Montréal : de par la volonté de Léon XIII, Monseigneur Labelle restera sous-ministre d’un gouvernement libéral. Cependant, Fabre remporte la deuxième bataille et la guerre contre Labelle : Rome refuse de diviser le diocèse de Montréal pour en créé un à St-Jérôme et Labelle est détruit ! Il meurt quelques mois plus tard, d`une infection à l`hernie…


Les retombés
Une fois l`œuvre de Labelle terminée, du moins l`œuvre que lui aura accompli, il faut en tirer des conclusions. La construction de son chemin de fer n`aura pas atteint les ambitieux projets que Labelle s`étaient imposés ; seulement quelques voies ferrés dépasseront St-Jérôme pour se rendre à Mont-Laurier en 1909. L`exploitation des mines ne se développent pas autant que prévu, à part dans sa ville de St-Jérôme. Plusieurs paroisses resteront de petits villages agricoles ou de simples stations estivales. L`immigration française que souhaitait Labelle n`a pas donnée les résultats voulus, mise à
part quelques centaines de colons répartis sur plusieurs années.

Il y aussi quelques points positifs ; Labelle a fondé entre 20 et 80 paroisses, les chiffres n`étant pas officieux et les historiens ont de la difficulté à s`entendre. On estime aussi à 20 000 le nombre de
colons qui ont tenté l`aventure que leur proposait le curé Labelle.

Il ne faut pas négliger non plus que sans les efforts d`une vie, le Québec que l`on connaît aujourd`hui serait fort différent et probablement moins développé !


En conclusion, on peut affirmer que la colonisation du Nord fût un succès mitigé. D`une part, le clergé n`a pas véritablement réussi à stopper l`émigration massive des Québécois vers les États-Unis et le nombre de colons qui s`installent dans les nouvelles terres se comptent par 1000 approximativement annuellement (Hamelin et Roy). Même si l`agriculture s`est développé considérablement, c`est le domaine de l`industrialisation, notamment le secteur forestier, qui attire les colons et supporte le surplus de population. Il faut cependant prendre en compte que le Québec n`est plus seulement concentré sur les plaines du St-Laurent et que la véritable conquête du territoire québécois est réellement commencée. Pour en revenir à mon hypothèse qui était que le curé Labelle avait comme principal objectif l`expansion démographique et géographique pour renforcer la place de la religion catholique en Amérique, mais que ceux qui l`appuyaient avaient comme objectifs de s`enrichir avec les ressources naturelles n`est pas complètement fausse. Le curé Labelle vivait pour sa mission et il souhaitait de tout son cœur que le Québec devienne moderne, tout en restant fier de son identité francophone et catholique. Et il est aussi vrai que plusieurs hommes d`affaires se sont enrichis avec la construction du chemin de fer et le secteur forestier.. Il serait intéressant d`étudier l`impact que le curé Labelle aurait pu avoir si les ultramontains ne lui auraient pas constamment nuit.


Mikael St-Louis




Bibliographie

-G. Dussault, Le Curé Labelle. Messianisme, utopie et colonisation au Québec (1850-1900), Montréal, Hurtubise (1983)
-G. Dussault, Dictionnaire biographique du Canada, « Labelle, François-Xavier-Antoine », vol. XII.
-É.-J. Auclair, Le curé Labelle. Sa vie et son œuvre, Montréal, Librairie Beauchemin, (1930)
-Linteau, Durocher et Robert, Histoire du Québec contemporain, Montréal, les Éditions du Boréal (1989)
-A.Pelland, La colonisation dans la province de Québec : Guide du colon, Québec, Ministère de la Colonisation, des Mines et des Pêcheries (1910)
-L`encyclopédie canadienne, François-Xavier-Antoine Labelle, Bibliographie, Page consultée le 5 décembre 2009, [En ligne] http://thecanadianencyclopedia.com/...